Jean-Marcel
Jover
Je dédie ces quelques lignes à ceux avec qui je poursuis mon chemin, à ceux qui m’ont accompagné et à tout ceux que j’aime.
Un parcours surprenant peut être mais toujours dévoué aux causes qui me sont, à tort ou à raison, apparues comme justes.
Se dévoiler est un art difficile.
Douter est l’obstacle majeur au bonheur.
Donner est le sacre de l’espérance et de la foi en l’être humain.
Alors j’écris, sensible aux jours qui passent, aux souffrances d’un monde injuste, aux abus des nantis.
La nature sublime les joies simples qu’elle procure. Elle m’inspire au gré du temps rythmé par les saisons qui lentement me poussent…….à la magie des rimes.
J’écris pour exister et c’est mon moi qui coule, s’enfle, déborde et se répand, dévoilant mes secrets, mes songes enfouis, mes souffrances étouffées, mes bonheurs et leurs joies indicibles.
L’écriture est la porte dont je suis le marteau, la serrure et la clef.
Jean-Marcel Jover
Poèmes
Regarde moi miroir
Car toi seul peux me voir,
Au profond entrevoir
Mes cris de désespoir
Ou mes rêves d’espoir
S’élevant dans le soir
Comme un cri de parloir
Poussé pour t’émouvoir.

VOLUTES
Le feuillage frémit sous la brise du soir
Qui du haut du plateau s’est chargée des odeurs,
Ivresse embaumée qui telle l’encensoir
Diffuse ça et là l’invisible senteur.
Solitaire rêveur je savoure l’instant
Où mon esprit s’enfuit emporté par ce vent
Chargé de tant de bruits, murmure inconstant
Où se mêlent dissous les hauts de hurlevent.
Les suaves parfums dans leur exhalaison
Vibrent erratiques sur mon jardin d’éden
Peuplé de mes envies et folles déraisons
Qui demain surgiront en un élan soudain.
Et dans le souffle chaud du turbulent zéphyr
Mon corps est entraîné dessinant dans le ciel
De célestes loopings aux couleurs de saphir
Attendant patiemment l’éclat de l’arc en ciel.
ORTHODOXIE
A
Brouhaha
B
Bel abbé
C
C’est déplacé
D
Les dadais, L’épais dé, l’orchidée, le baudet
La cordée, la bordée, le dais, le muscadet, le cadet
E
L’aveu
F
Leffe
G
Geai piégé
H
Un flash
L’adieu de Dieu, l’odieux pardieu,
Le de par dieu sur un prie-Dieu
C'est mieux
C'est pieu

TOURMENTS
La clarté vacillante du jour qui s’éteint
Donne vie aux lutins, elfes et farfadets
Dans un chuintement aux bruits ébouriffants
Emportés par le vent au dessus des cyprès.
Je ressens apeuré un frisson qui m’étreint
Sous le souffle mordant, puissant et saccadé
Traversant tout mon corps de souvenirs d’enfant
Dans la froide chambrée de tentures diaprées.
Je revois effaré la cuvette d’alcool,
L’allumette craquée et la flamme bleutée
Qui dans le matin blême tremble doucement
Répandant sa chaleur aux bienfaits convoités.
Au dehors la neige a recouvert le sol
Laissant nos pas marqués dans la nuit ouatée.
Mémoire enfouie cause de mes tourments
Vas-tu enfin cesser de me persécuter ?
LA FOIRE
La foule bigarrée sur l’allée colorée
Farfouille les étals richement décorés
De patchworks et soieries aux doux tons chamarrés,
De bijoux argentés à la forme épurée.
Tableaux enluminés, fines aquarelles,
Se mêlent aux marrons éclatants sur les braises,
Aux fruits secs de Noël, aux insipides fraises
Aux cris des camelots obstruant les ruelles.
Dessous affriolants, vêtements élégants,
Légers paniers d’osiers, animaux empaillés,
Aiguiseurs de couteaux, casseroles émaillées…
Dans le tohu-bohu de stands extravagants
Le badaud captivé par l’objet insolite
Cède aux boniments du hâbleur émérite.
Et je revois heureux
Ces amis d’autrefois
Aux rires chaleureux
Que je croise parfois.
CENDRES
Par l’ouvrage et l’effort lâchement abattu,
Une journée froide d’hiver, triste et sans soleil,
Roide, il repose en son dernier sommeil
De ses plus beaux habits hâtivement vêtu.
Du noir catafalque au milieu de l’abside
Son aura s’est enfuie vers d’autres univers,
Loin des hommes perfides, avides et pervers,
Animés par la haine, funeste et déicide.
Par la mort attirés, les longs vers nécrophages
Fourmillent par milliers en cette nécropole,
Affamés, impatients dans le froid sarcophage,
Obscur et silencieux sous la marbrée coupole.
Une plaque dorée, funèbre épitaphe,
Rappelle au passant anonyme et futile
Qu’ici gisait dans ce gris cénotaphe
Un corps sans vie dans l’argile infertile.
LE SANCTUAIRE
Si vous passez par là, au-delà du canal
A l’ombre de la tour, phare monumental,
S’érige ma demeure au style régional
Flanquée sur sa façade d’une croix de métal,
Rappelant qu’ici vit, féal à cet havre natal,
Un fervent occitan dans son cocon fœtal
Sis aujourd’hui au chemin de la ville,
Ancien sentier de messe menant à Notre Dame.
A cette bonne mère, animés par la flamme
D’une foi dévorante que la passion acclame,
Pèlerins et fidèles ont confié leur âme
Apôtres bienheureux à la ferveur servile.
Les jours anciens surgissent du fond de ma mémoire
Alignant indicible l’image évocatoire
De ces journées d’été et des jeux dérisoires
Que les sœurs du Carmel cachaient dans leurs armoires.
Assis sur un vieux banc de chêne au pupitre
Noirci par l’écolier assoiffé de savoir,
Je n’avais qu’un désir insufflé par le pitre
Qui sommeillait en moi, oubliant le devoir
Qu’il fallait fallacieux sembler de concevoir
Tentant comme aujourd’hui de terminer l’épître.
Dissipé et rebelle,
De mes poches trouées cigales et crapauds
Envahissaient la classe et nous laissaient penauds
Au grand dam du pion sous les cris des nigauds,
Attentifs, appliqués mais hélas trop lourdauds
Excitant la querelle.
C’est pour cela je crois avoir mis tout mon cœur
Pour embellir l’église emplie de résurgences,
De souvenirs émus et de douces présences
Masquées par les étoffes enveloppant le chœur,
Tandis que montent et vibrent sous l’abside dorée
Ces chants grégoriens pour la Vierge implorée.
La légende tenace de la pierre aux miracles
Couverte d’ex-voto, décrypte les oracles
Et résiste insensible aux siècles qui s’écoulent,
Au monde décadent, aux valeurs qui s’écroulent.

FREDAINES
Ma vie vide je mène, loin des sirènes.
A perdre haleine comme une aubaine,
Sur la scène urbaine j’attends ma veine.
Et ma haine vaine j’oublie dans la thébaïne
Quand mes soucis d’un noir d’ébène me peinent.
Dans ma géhenne obscène elle est ma reine
A perdre haleine comme une aubaine.
Je me déchaîne sur ses seins de porcelaine,
Fais courir le plaisir sur sa plaine sereine
Où les sens affolés se démènent et s’enchaînent
Dans le soupir du râle de l’extase soudaine.
A perdre haleine, comme une aubaine,
Ma vie vide je mène, loin des sirènes.
JOUR DE FÊTE
Les chars couverts de fleurs en papier coloré
S’ébranlent lentement
Alors que s’agglutine le public bigarré,
Dans le cliquètement
Du moteur essoufflé d’un tracteur décoré.
Les enfants déguisés de leur masque parés
Sèment des confettis,
Heureux et résolus sous leur belle livrée
D’être ainsi travestis.
Ils suivent avec entrain la troupe affairée,
Abeilles virevoltantes à la taille de guêpe,
Charlots endimanchés,
Géants ou échassiers aux semelles de crêpe,
Travestis déhanchés,
Danseuses affriolantes dévoilant leurs rondeurs
Aux sons d’une musique
Rythmée et endiablée sous leurs pas pleins d’ardeurs
Scandant cet air magique.
Groupe de retraités aux chapeaux empaillés
Et costumes d’époque
Participant joyeux malgré les reins rouillés
Au défilé loufoque.
Pour clore ce folklore la foule se déroule
Exulte et se défoule
Quand les flammes jaillissent du dépôt infernal
Où brûle Carnaval
Dont la lente agonie sous les pétards bruyants
Traduit cette sentence du tribunal siégeant
Sur l’estrade voisine
En ultime saisine.
LA BUSE
Les yeux perçants aux prunelles immobiles
Fixent étrangement le soleil qui vacille.
La buse variable la plume ébouriffée
Agile a plongé sur l’oiseau malhabile
Les serres acérées dans un ballet fragile,
Le bec jaune rougi par le sang assoiffée.
De ce combat mortel à l’issue établie
La douce tourterelle sur l’instant affaiblie
Entame agitée sa rapide agonie
Soubresauts inutiles de cette fin honnie.
Le rapace diurne en quête de sa proie
Que féroce et cruel il enserre et foudroie
A satisfait l’instinct qui le pousse, épuisé,
Dans ce milieu hostile sans cesse exposé
A lutter silencieux, attentif et craintif
Rasant les herbes folles de son envol furtif.
LA PENDULE
Sur son socle de marbre trône la pendule
Aux aiguilles ouvragées pointant le temps fugace
Sur le cadran doré à l’appétit vorace
Soupirant chaque instant quand le cycle bascule
Sous les cris aigrelets du marteau sur le cuivre
Egrenant patiemment les heures envolées
Tintinnabulant ce besoin de survivre
Pour connaître exquises des joies renouvelées
.
Mécanismes dentés finement imbriqués
Ils rythment les secondes savamment saccadées.
Mesures éternelles des jours domestiqués
Les minutes s’écoulent en heures obsédées.
La lyre balancier diffuse sa musique,
Battement obsédant, incessant, monotone,
Dans cette pièce obscure à l’atmosphère unique
Perturbant le silence qui dans l’esprit bourdonne.
Les clefs du remontoir lui redonnent vigueur
Quand usé par l’effort le ressort à spirale,
Détendu, fatigué, retarde et puis s’emballe,
Dans un sursaut ultime se remet au labeur.
Les chiffres inévitables insérés dans l’émail
Ont scellé implacables de folles destinées
Ignorant le regard des jeunes dulcinées
Attendant agitées les sorties sur le mail.
Sur son socle de marbre trône la pendule
Aux aiguilles ouvragées pointant le temps fugace
Ornement salutaire scandant les jours qui passent
Hâtifs ou impatients que les ans accumulent.
LA RONDE
Le temps mène sa ronde
Accélérant son pas
Au rythme endiablé
Des jours qui raccourcissent
Quand le ciel facétieux
Occulte le soleil
Au zénith assombrit
Obscurcissant l’esprit
En proie à ses angoisses
Sous les rayons noircis
De ma mélancolie.
Le temps mène sa ronde
Vers un nouveau destin
Peuplé de doux sourires
Epanouis et gais
Quand de ces latitudes
Naissent des certitudes
D’un univers paisible
Où l’amour serait prince
D’un royaume enchanteur
Baignant sous le halo
D’une douce chaleur.
Le temps mène sa ronde
Et je perds mon latin
Devant ces attitudes
Où seul l’appât du gain
Suscite l’intérêt
Provocant les délits
De quelques initiés
Quand les bourses trop pleines
Font fluctuer la cote
Générant la misère
Et ses faibles salaires
Le temps mène sa ronde
E.a.d.s….. C.q.f.d !...
LA TRAQUE
Les cailles en ribambelle
Dansant la saltarelle
S’enfuient à tire-d’aile.
Les perdreaux sautillant
S’abritent pour l’instant
Sous le cep accueillant.
Le faisan apeuré
Richement chamarré
Détale égaré.
Les lapins du clapier
Craignant le braconnier
Occupent leur terrier.
Le sanglier solitaire
Livre volontaire
Son combat salutaire.
Le chevreuil affolé
Par la peur stimulé
Franchit le barbelé.
Le lièvre oreillard
Dans le matin blafard
Evite le traquenard.
La bécasse esseulée
En grande envolée
Zigzague étonnée.
Ce n’est qu’un jour de chasse aux luttes inégales
Quand l’animal détale de cavales en cavales
Tremblant, effarouché sous des tirs en rafales…..
LAMPYRE
Dans mon jardin, un ver luisant solitaire
D’un jaune soufre phosphorescent éclaire
Le brin d’herbe brûlant lui servant de repaire
Conservant sans muer son bel état larvaire.
Coléoptère aptère révélant sa présence
Aux mâles attirés par sa bioluminescence
Et ses attraits nuptiaux croisant dans les parages,
Fébriles, impatients et débordants de rages.
Pour procréer l’espèce aux flammes étonnantes
Ils vont se retrouver, étreintes flamboyantes,
Dans le creux douillet d’une feuille d’acanthe
Sous le regard jaloux d’une étoile filante.
La nature secrète fourmille d’inventions
Racoleuses et tenaces, riches de tentations,
Favorisant rencontres et inséminations
Avec le but unique de cette fécondation
Sauvegarder du pire
Nos lumineux LAMPYRES
L’AUTOMNE
Sous les hautes fougères dans les bois isolés
Naissent pleins de senteurs les fantasques bolets
Aux chapeaux émergeants quelquefois craquelés
Qui demain vont sécher en légers chapelets.
La forêt de sapins aux sous bois peinturés
Par l’automnal pinceau retrouve ses couleurs
Donnant un air de fête aux rameaux bigarrés
Sous les cieux embrumés des premières pâleurs.
La lépiote élevée montre sa longue queue
Son chapeau velouté à la robe tigrée,
L’amanite tue-mouche visible à une lieue
Décore les allées de ses points blancs parée.
Les phallus impudiques aux étranges odeurs
Entourent bien tendus les vesses de loup charnues
Dont l’étrange poussière s’échappe des rondeurs
De la volve altérée aux membranes grenues.
L’oronge délicate aux subtiles nuances
Ressemble à l’aquarelle d’un artiste ébloui
Traduisant sur sa toile les vives rutilances
D’un cryptogame rare au parfum inouï.
Puis le cèpe royal à la tête bien ronde
Affleure le tapis d’aiguilles cotonneux
Essaimant ça et là cette spore féconde
Qui trouve sous la terre l’aide des résineux.
Et comme à l’habitude
L’automne et ses prémisses de froide solitude
Remplira les paniers de douce incertitude
Sans jamais éveiller la moindre lassitude.

LE PONT
Un long ruban d’asphalte franchit le fleuve Hérault
Sur le pont de Gignac aux anses de paniers
Résistant imposant à la montée des eaux
Depuis bientôt deux siècles sous l’œil des cantonniers.
Les vieilles pierres lisses aux solides appuis
Ornent ce monument de Maître Garipuy.
Il trône altier et fier sur son lit d’onde claire
Placide face aux flots à la froide colère.
Les pieux originels sont ancrés sur la rive
Entourant les culées aux recoins anguleux,
Fendant comme une étrave les flots tumultueux,
Boueux, impétueux que le courant avive.
La grande arche domine du haut de sa splendeur
La vallée frémissante aux berges arborées
Endiguant le cours d’eau aux sursauts pleins d’ardeur
D’une haie de verdure aux ombres colorées.
Sa chaussée généreuse a supporté des trains
Cahotants et poussifs aux lourds wagons de grains
Et supporte toujours ces milliers de voitures
En convois continus pesant sur ses structures.
D’une rare élégance, inscrit beau pont de France
Il traverse le temps sans aucune souffrance
Conservant sans accroc sa parfaite beauté
Et donnant à la ville l’emblème et la fierté.

Photo: Fagairolles 34 (Wikipedia)
LES MOTS…
Si ma muse m’amuse
Et par ruse m’abuse
D’une pensée diffuse
Que mon esprit récuse
Malgré l’envie confuse
D’une bien piètre excuse
Que le bon sens refuse
Sous le doigt qui accuse
Et le temps qui nous use
Je resterai trouvère amoureux de mes mots.
Si les syllabes en silence
S’élancent en cadence
Sans aucune prudence
Choisir leur préférence
En grande incohérence
Tirant leur révérence
Et toute conséquence
De cette impertinence
Doublée d’indifférence
Je resterai trouvère amoureux de mes mots.
Quand le mots émotif
Impulsif expressif
Redevient agressif
S’emporte subversif
Vers cet esprit captif
Ignorant l’objectif
D’un sursaut fugitif
Evasif et furtif
A l’effet négatif
Je resterai trouvère amoureux de mes mots.
L’ESPLANADE
Sur l’élégante allée bordée sous les platanes
De stands itinérants aux fumets alléchants
Les terrasses attirantes sont le havre des ânes
Concentrés en ce lieu pour calmer leurs penchants.
La meute bigarrée semble comme affolée
Parcourant inlassable les étals surchargés
Sous le regard distrait de la foule attablée
Attendant patiemment les serveurs submergés.
C’est un lieu de rencontre où règnent les arômes
Des produits du terroir nombreux et variés
Et où l’accent du sud chante ses idiomes
Couverts par la clameur de touristes égarés.
Cette belle esplanade aux charmes arborés
Est sortie de la ville aux murs fortifiés
Donnant à la cité ces espaces aérés
Aujourd’hui transformés en foirails enviés.
Si le labeur fût rude pour atteindre le but
A ces désagréments le monde a survécu
Malgré, je le conçois, le coût du lourd tribut
Cet obstacle crucial a bien été vaincu
Ouvrant des horizons au commerce local
Qui doit pour subsister sortir de son bocal.
L’HÔTEL DES de LAURES
Eprouvé par le temps l’hôtel des de Laurès
Vit ses derniers instants de luxe et d’apparats
Oubliant cette gloire quand riches magistrats
Au sommet de leur gloire pouvaient faire florès.
L’architecture est noble et traduit l’opulence
D’une riche demeure en pleine déchéance
Ornée en ses plafonds de gypses d’allégeance
Vouant au Roi Soleil l’éternelle obédience.
La grande porte pleine aux belles cariatides
S’ouvre sur la grand’rue aujourd’hui désertée,
Livrée aux chiens errants et aux odeurs fétides
Chargée des lourds silences de mon âme attristée.
L’imposant escalier aux pilastres de pierre
Eclairé par le dôme aux vitres étoilées
Mène au vestibule aux frises écaillées
Où nichait la statue auréolée de lierre.
Les étages écroulés, espaces inaccessibles,
Menacent gravement l’ensemble immobilier
Jouissant du prestige d’hôtel particulier
Au renouveau duquel certains sont insensibles.
LINCOU
Au fond de la vallée, un château séculaire
Ecrase de son ombre les méandres du Tarn.
Sa façade imposante et sa tour circulaire
Rappelle ce bon roi qui nous vint du Béarn.
Au détour des grands arbres, un chemin de halage
Où devaient piaffer de brillants attelages,
Serviteurs impatients de tous ces batelages,
Par des rives profondes s’éloigne du village
Dont les vieilles maisons s’accrochent aux rochers,
Se fondent aux paysages et se mirent dans l’eau.
La vieille église grise où nichent les corbeaux
Laisse éclater la foi du haut de son clocher
Egrenant alentours des sons harmonieux
Qui d’écho en écho descendent aux rivages
Pour s’enfuir mélodieux vers des lieux oublieux
Au dessus des peupliers et des vastes herbages.
OUBLI
Les nuages en courant ont effacé le ciel.
La nuit noire intrépide a pénétré mon cœur
Et mon corps indocile laisse entrer le sommeil.
Un vent du nord acide surchargé de rancœur
Fait vaciller les ombres et gémir la forêt.
Les souvenirs amers s’enfuient comme apeurés.
Du plus profond de l’être tout prête à confusion.
La haine et l’amour, la tristesse et le rire
Dans un grand tourbillon se mêlent à profusion,
Se déchirent et s’enchaînent, éclatent et puis se calment.
Dans un silence épais un rideau noir s’étire
Et l’oubli incertain vient s’emparer de l’âme.

PAYSAGES
Dans un pré de ray-grass paissant et ruminant
La belle limousine au cul rond et beaux pis
Chasse de sa queue les insectes gênants
Dans l’herbe grasse et verte où ils restent tapis.
Plus loin, vers l’horizon un troupeau de brebis
En plein conciliabule est regroupé en rond.
Dans ce grand champs jauni et l’air tout ébaubi
Il demeure immobile sous le soleil de plomb.
La campagne assoupie dans sa douce inertie
Attend impatiemment que le soleil s’éteigne
Pour renaître à la vie, mettant fin au répit
D’un calme bucolique que la nature enseigne.
Les bêtes assouvies vont rentrer au bercail
Mamelles bien gonflées prêtes à donner leur lait,
Fidèles à leur sentier menant droit au portail
De l’étable obscure aux reflets imparfaits.
Dans la salle de traite aux barreaux rapprochés
Elles vont prendre place dans un ordre parfait
Et sous les doigts experts du berger détaché
Donner le blanc liquide surchargé de bienfaits.
Céleste métronome au rythme cadencé
Le temps et ses saisons scandent la liberté
Loin des agitations, brouhaha insensé,
D’une foule en délire frappée de cécité.

PERCEPTION
Sa façade imposante couvre le parc Blay
Et l’on y vient cent fois demander des délais
Tant la gabelle est lourde en ce coin du pays
Dont la seule richesse se trouve dans les chais.
Entourée d’un jardin aux arbres exotiques
D’où s’échappent parfois des odeurs acétiques,
On y sert quelques fois l’acide muriatique
Au gens qui de ce lieu tirent leur viatique.
Ouvert à tout le monde, le portail est blindé
Car du pauvre ou du riche l’argent est exsudé.
On y rentre fringant, on en sort tout ridé
Tant la douleur est forte de se voir possédé.
Car dans ce lieu sacré, au milieu du décor,
Cerbères attentifs, les agents du Trésor
Dévoués et serviles ne roulent pas sur l’or,
Tant s’en faut hélas ! Et pour longtemps encore.
RELÂCHE
Epuisé par l’effort d’une journée fertile
Je m’assied somnolent sous le ventilateur
Bercé par la fraîcheur que le moteur distille
Effaçant sous sa brise l’étouffante moiteur.
Sous mes paupières closes alourdies de torpeur
Sombre mon inconscient dans la douce quiétude
Apportant à mon corps le repos salvateur
Nécessaire à l’oubli d’une vaine inquiétude.
Mon esprit indocile chevauchant les chimères
Vacille et fantasme dans des songes insensés
Mêlant à l’utopie des formes éphémères,
Beautés inassouvies aux désirs convulsés.
Semblable aux créatures du réputé Folon
Il survole un abîme à large déchirure,
Se pose rasséréné dans le calme vallon
Où coule clapotant un filet d’onde pure.
Après quelques instants, sevré et reposé,
Il rejoint vaporeux le cerveau qui l’abrite
Provoquant le réveil dans ce chassé-croisé
De ce corps indolent que le sommeil lévite.
RÊVES
Le soleil s’est couché sur mon jardin secret
Recouvrant ma conscience de son voile discret
Libérant les phantasmes par la nuit décuplés
Laissant à mon esprit mille rêves peuplés
Des visages riants de femmes au ventre rond
Porteuses de la foi d’un avenir fécond.
Le sommeil résistant au trouble éveillé
Va prolonger la nuit d’une longue veillée.
Il mêle pêle-mêle aux songes hasardeux
Les flashs subliminaux de souvenirs hideux
Alors que mes idées s’envolent dans le noir
Berçant mes illusions d’un futur plein d’espoir.
Ma mémoire en éveil déroule son récit
Et mon corps apaisé s’envole en transit
Vers des lieux bucoliques au dessus des bosquets
Ballotté ça et là par les souffles frisquets
D’un vent d’autan léger attirant les ondées
Annoncées au lointain par de fortes bordées.
Par la fenêtre ouverte sur la haie de cyprès
Je retrouve le havre où vivent mes excès
De cette vie charnelle d’une brève durée
Attendant patiemment la fin de la soirée.
Quand carillonne au loin mon âme évaporée
Cherchant dans le délire la réponse éclairée
Je perçoit ulcéré une issue insensée
A ces mille questions qui hantent ma pensée.
SANS DOMICILE FIXE
Dés potron-minet le poltron pelotonné
Semble craindre l’assaut d’une ombre vacillante
Dans le matin blafard noyé dans le brouillard.
Couché sur ses cartons, hagard et étonné
Il surgit du néant d’une nuit inconsciente
Peuplée de désirs fous dans son monde égrillard.
Voilà déjà dix ans qu’il a abandonné,
Bercé par l’attirance d’une vie insouciante,
Le chemin tout tracé d’austère scribouillard.
Aujourd’hui il vivote sans cesse sermonné
Par cette permanente que son choix impatiente
Et qui tente tenace de sauver ce trouillard.
Son destin est marqué d’un vœu irraisonné
Sans autre alternative qu’une nuit humiliante
Sous la porte cochère aux ornements criards.
Allongés pêle-mêle en rang désordonné
Sur leur couche choquante, indigne et indigente
Des frères d’infortune, volubiles et braillards,
Puisent dans la débine
La force qui décline
Rongés par la vermine
Qui sur leur corps s’obstine.
SOLEIL D’ETE
Dans le désert de pierre aux trouées de calcaire
Quelques herbes esseulées à la tige épineuse
S’accrochent aux rochers et souffrent leur calvaire
Dans l’attente incertaine d’une nuit orageuse
Qui viendrait apporter à leurs maigres racines
La douce humidité nécessaire à la plante.
En ces espaces arides au milieu des ravines
Où seule persiste encore la flore résistante
Du thym fort odorant à la ciste à fleurs roses,
Mille parfums se mêlent en douces symphonies
Emportés par le vent berçant les primeroses
Qui s’enfuit bienheureux vers d’autres harmonies.
Les cigales en sursis volent prestement,
Se posent insouciantes sur les chênes kermès.
Les grillons agités stridulent bruyamment,
Crissements monotones et joyeuses promesses
D’un été espéré de douceur et de joie
Sous un soleil de plomb quand la lueur flamboie.
Plus loin dans les taillis de ronces envahis
Remise la perdrix rouge et gîte le garenne
Surveillés par la buse aux grands yeux ébahis
Avide de mulots a l’ombre sur un frêne.
Au creux du vallon d’or frissonne la grand’ mare
Dont le pourtour de glaise abrite des ajoncs.
Frayère à batraciens, excitant tintamarre
Dans de vives étreintes et somptueux plongeons
Donne en ce site magique des scènes féeriques,
Coassements nuptiaux aux rauques frénésies
Assurant pour la vie, fébrile, hystérique
Cet échange animal sans vaines fantaisies.
Ô garrigues étonnantes aux surprenants désirs !.....
De nos yeux éblouis admirons les plaisirs
D’une nature intacte aux facettes multiples
Tentant pour subsister de périlleux périples
En ces lieux indomptés où la flore obstinée
Dans un concert d’odeurs résiste calcinée.
SOUVENIRS
Le village endormi dans sa douce quiétude
Regarde le Lagast et ses plus hauts plateaux
Où les gens rudes et pieux vivent dans l’habitude
Et où les pâtres heureux animent leurs flûteaux.
La vue au loin s’étire sur les vallées profondes
Peuplées de mille bruits et de riches secrets
Que seules ont pu percer nos âmes vagabondes
Dirigées en ces lieux par des signes discrets.
Sur la grand place vide un couple vit heureux
Au rythme des saisons dans l’univers pierreux
Qui fut toujours je crois celui de leur jeunesse
Et où jadis s’aimant se promirent tendresse.
A l’ombre du clocher ils ont vécu leur âge
Dans le bien dur labeur des champs et des herbages.
Cinquante ans sont passés et les misères aussi.
Il ont tout entrepris et puis tout réussi.
Le visage émacié, le père Séverin
A tiré de l’étable des tonnes de purin,
A remué cent fois ses dix arpents fertiles,
A chauffé éreinté mille locomobiles,
A marqué de ses pas, servile préposé,
Les longs sentiers boueux qui mènent au village,
Buvant ici où là un bon coup de rosé
Pour repartir heureux plein d’allant et courage,
De Laubigue à Saint Cirq, de Fabrègues à Rullac
Porter le lourd courrier aux hameaux esseulés
Et revenir le soir, les cieux tout constellés,
Les jambes fatiguées mais vide l’havresac.
Et pendant ce temps là, Berthe au grand cœur
En attendant le soir préparait ses conserves,
S’agitant et courant, discourant avec verve
De sa vie difficile sans haine ni rancœur.
Le soleil rougeoie au dessus des grands arbres,
Le crépuscule gris recouvre Combenègre
Epaississant les ombres d’un froid frisson de marbre,
Le silence s’installe sous la bise trop aigre
La vie lasse s’enfuit vers d’autres souvenirs.

VELEZ BLANCO
Mon blason est en deuil, ses trois fleurs sans racine
Emportées par le vent ont essaimé ailleurs
Dans la souffrance aigre qu’un désespoir ruine
Sous un regard amer embué par les pleurs.
Avec pour seul bagage sous le soleil trop noir
Un sac emplit de rêves pour un nouveau matin,
Il marche plein d’allant vers son pauvre destin,
Par les chemins poudreux qui mènent à l’espoir,
Laissant dans le village aux façades chaulées
Flottant sur ce désert comme voiles emmêlées
La famille éplorée sans autre alternative
Qu’attendre patiemment la saine perspective.
La misère a contraint le pauvre muletier
A quitter sa montagne et sa terre stérile
Vers la France accueillante et son nouveau chantier
A Gignac sur l’Hérault vaste plaine fertile.
Cimentant le canal avec ses camarades
Il couchait sur la paille de la belle esplanade
Avant de découvrir le mas de Bouissonade
Entouré de garrigues agrémentées de cades.
Il jouait du tambour pour chasser le gibier
Envahissant la cour en horde affamée,
Secouant sans manière les branches du figuier,
Fuyant sous la menace comme à l’accoutumée.
Courant sur la poulie une chaîne mortelle
Montait du fond du puits le vieux seau qui ruisselle
Quand soudain inconstant glissant sur la margelle,
Il se blessa aux doigts.
Et pendant qu’il grommelle sa fille Isabelle
Au caractère fort et à l’esprit rebelle
Constatant les dégâts et l’affreuse séquelle
Soigne le maladroit.
Le mal a fait son œuvre et l’affreuse gangrène
Dans son action malsaine rapidement entraîne
Vers d’autres horizons ou géhenne incertaine
Cet orgueilleux ibère
Mon valeureux Grand Père.
VIN PRIME
Le nectar raffiné coule dans le verre
Libérant des arômes aux fumets sublimés
Evoquant les fruits rouges et les mûres d’été
Dont les exhalaisons baignent les papilles.
Corps rond et puissant fait de douceur amère
Dans sa robe pourpre au nez bien affirmé
Diffusant des odeurs de rare volupté
Quand s’amplifie le doux parfum de vanille.
Fugace bouquet que le geste libère
Dans un grand tourbillon au rythme imprimé
Par le lent va et vient constamment agité
Que chaque remous savamment émoustille.
Le goût éthéré du cassis qui macère
Sublime au palais le moelleux ranimé
Qui dans son apogée apparaît pimenté
A ma luette que le plaisir titille.
Breuvage parfait au parfum éphémère
Œuvre troublante d’un artiste acclamé
Apportant au terroir l’éternelle fierté
D’un assemblage à la couleur subtile.
Du dur vigneron il a le caractère
Donnant aux fins gourmets goûtant le vin nommé
Les plaisirs secrets de vraie félicité
De la traque ravie de senteurs fragiles.
EDEN
Emporté par un fleuve écumeux mais limpide
Je me laisse glisser vers un tunnel obscur
Tandis qu’au loin remonte le tumulte des ondes,
Cataracte invisible vaporeuse et rapide
M’entraînant inconscient vers un nouveau futur
Dans un éden de rêve qu’une clarté inonde.
En ces lieux inconnus où les auras se mêlent
L’on redécouvre, heureux, quiétude et volupté,
Loin des hypocrisies d’un monde en perdition.
Tandis que les mortels cupides se querellent
J’entrevois de mon guet la douce vérité
D’un laborieux passage surchargé d’émotion.
Plus de mélancolie ni de folie affreuse
Mais une joie sans faille, profonde, intraduisible
Dans un cadre enchanteur de grâce et de candeur
Rayonnant de bonheur et de douceur radieuse.
Ce refuge est un havre où règne invisible,
Eternelle splendeur, un être supérieur
D’une beauté sublime à l’extrême bonté
Dont la vive tendresse traduit la pureté.
LE RETOUR
Je voudrais partir comme on part en voyage
Entourant mes soucis d’un unique rempart
Avec pour seul bagage une once de courage
Protégeant mon esprit au seuil de ce départ.
De mes yeux embués des larmes couleront
Ornant de fins diamants le sillon de la mort
En ultime rictus contracté sous l’effort
De voir s’enfuir la vie vers un autre horizon.
Mon aura se ternit quand la flamme s’éteint
Brûlant les souvenirs d’un rapide transit
Inutiles ballots vers un lieu incertain
Crevant le noir abcès d’un funeste prurit.
Divin passage d une triste évasion,
Obsession insensée fébrile et agitée
Qui me pousse troublé à l’obscure vision
D’un couloir éclairé d’une immense clarté,
LA DIFFERENCE
Un monde délirant provoquant le chaos
Dans la vie agitée de ces jeunes ados
Aux fantasmes douteux qu’ils traitent à huis clos
Libérant les plaisirs de leurs désirs éclos.
La voie qu’ils ont choisie il faudra l’assumer
Face à cette opinion qui ne sait que blâmer
Rejetant sans regret dissemblable vertu
Choquant le bien pensant au sentiment têtu.
Apanage des sots la discrimination
Morbide s’insinue en folle incitation
Du rejet sans appel pour non-conformité
Aux principes fixés par la société.
Dans le brouillamini quand la terre se meurt
S’étiolent les valeurs en suprême clameur,
Plainte inutile et ultime credo
Du chrétien démuni lâchant son lourd fardeau.
LA VIEILLESSE
La sombre vieillesse a tracé ses sillons
Sur les joues burinées par le temps écoulé
Des aïeux oubliés dans le fond du salon
Fixant je ne sais quoi de leur regard voilé.
Triturant leur mouchoir posé sur les genoux
Ils écoutent passifs les bruits environnants
Caressant évasifs un modeste doudou
Témoin immobile de leurs rêves étonnants.
Ils vivent hors du temps et meurent sans bouger.
Assis sur le fauteuil le sourire figé
Ils songent d’un ailleurs qui pourrait soulager
Les rebelles douleurs d’un corps désagrégé.
Usés par le labeur et l’âge cumulés
Le temps leur est compté vers un dernier sommeil
Espérant silencieux, , leurs sens déboussolés,
Qu’une nuit étoilée s’épuise sans réveil.
PALINODIE DES CORDELIERS
Lorsque le lierre vert étreint la vieille nef
Donnant aux murs tremblants un espoir de survie
Je médite et revois, orné d’un bas-relief,
L’autel de marbre blanc d’une beauté ravie,
Le céleste transept éclatant de soleil,
Le chœur majestueux aux éclats de vermeil
Et puis le lourd clocher aux secrets dévoilés
De son ombre couvrant tant de corps rassemblés.
Sous la douce pression il fallut composer
Sur le sort incertain du monument branlant.
Sans regret avoué l’édile chancelant
Désigna de sang froid les murs qu’il fit raser.
Des souvenirs anciens un soir s’en sont allés
Effaçant indécents les traces cumulées
Par les membres zélés de cette confrérie
Contraints de s’isoler rue de la Bouquerie
Lorsque l’effroi naissait de frayeurs infondées
Et que les renégats abjuraient leurs idées.
La foule amassée plan de la viguerie
Dans la halle fermée attendait la tuerie
Pour supprimer enfin la folle hérésie
De ce schisme mortel troublant la bourgeoisie
Vociférant unie la fourbe hypocrisie,
Intolérables instants d’absurde frénésie.
Le passé ignoré, amère amnésie,
A gommé à jamais la sombre apostasie.
Qu’en est-il du parvis et des rires d’enfants
Jouant dans les recoins de ce beau monument
Celant sous ses dalles aujourd’hui profanées
Les corps raides oubliés de ces pestiférés ?...
SOIR D’AUTOMNE
Alors qu’au loin résonne le glas d’un court été,
Que la brise atone halète épuisée,
Que les premières feuilles s’envolent des frênaies,
Que mon cœur enfiévré s’apprête à hiberner,
Je sens entrer en moi la folle anxiété
D’un futur froid polaire me donnant la nausée,
Dépouillant les grands arbres et les hautes futaies,
Avec pour horizon l’abri où hiverner.
Les haies denses et vives abritant les oiseaux
Vont retrouver le calme d’une morne saison,
Les châtaigniers fourchus libérés de leurs bogues
Grimaçants, squelettiques se dressent vers le ciel
Inutiles perchoirs aux affamés corbeaux.
Vacillante et fébrile surgit la déraison
Au délire troublé par le seul épilogue
D’une soirée d’automne à l’appel démentiel.
Le cycle est immuable et le rythme certain
Et les premiers frimas annoncent au lointain
Le lumineux printemps
Qu’impatiemment j’attends.
SENTEURS DU SOIR
De ce coin de gazon, où poussent des arums
Entourés de massifs richement colorés
Secoués par le vent, s’exhalent des parfums
Délicats, vaporeux, légers et éthérés.
Fraîchement irrigué par l’eau du fleuve Hérault
La pelouse verdit, les belles roses écloses
Aux irisés pétales ressemblent à des émaux,
Le chèvrefeuille jaune, le rouge laurier rose
Se mélangent et se mêlent aux fines marguerites,
Aux bleutés hortensias, aux denses vendangeuses
Aux azalées fleuris, aux hautes clématites,
Aux œillets de poètes, aux douces tubéreuses.
Les couleurs emmêlées surchargées de senteurs
Dansent sous la brise étourdie par l’odeur
Dans ce jardin d’éden aux éclats enchanteurs
Parsemé d’immortelles et de douce splendeur.
De ce coin de gazon, où poussent des arums
S’exprime la passion des vifs géraniums
Bordant les plates-bandes et la haie des buis verts
A l’ombre d’hibiscus aux boutons entr’ouverts.
De ce coin de gazon, où poussent des arums
Les fleurs s’épanouissent en gerbe de couleurs
Magnifique arc en ciel aux diamants racoleurs
Quand flottent dans le soir les sublimes arômes.
De ce coin de gazon, où poussent des arums…..
BLASON
Sur cette tour d’argent surmontée de trois lis
J’ai vu danser les ombres de ces preux chevaliers
Qui sont jadis partis chercher le paradis
Vers ces contrées lointaines aux mains des templiers.
Ils ont perdu leur âme dans de vaines batailles
Livrées au nom du Christ pour vaincre l’hérétique
Arguant de cette croix sur leur cotte de mailles
Pour violer et piller le peuple pathétique.
Le robuste donjon aligne ses meurtrières
De vielles pierres usées aux faces érodées
Tandis qu’au loin s’élève les ferventes prières
Du sobre sanctuaire aux parois lézardées.
Les seigneurs de Ginhac à l’abri des remparts
Ont préservé le peuple des folles invasions
De soudards sanguinaires surgis de toutes parts,
Hordes dépenaillées en longues processions.
Puis vint soudain sans bruit le schisme fratricide
Dont les funestes excès à ce jour perceptibles
Ont marqué à jamais la cité régicide
Forteresse assiégée aux murs indestructibles.
Est-ce un signe du sort souffrant de la discorde
Quand le clocher branlant s’affaissa sous les pleurs
Provoquant cette trêve que le malheur accorde
Devant la catastrophe d’une trop grande ampleur ?
Aujourd’hui rayonnante riche de son histoire
Notre ville s’ébranle armée de volonté
Ajoutant chaque jour quelques lignes de gloire
A ce passé illustre d’un peuple indompté.
FATUM
Il était jeune et beau dans son blouson de cuir
Juché sur son harley au beau moteur chromé
Epris des libertés vers lesquelles s’enfuir
Bardé de son tee-shirt d’un phénix imprimé.
La moto ronronnait sur la route poudreuse
Enlaçant le coteau aux parfums estivaux
Secouant le tansad de la douce amoureuse
Agrippée fermement aux muscles pectoraux
De ce bel Adonis son chevalier servant.
Souriant à la vie les cheveux dans le vent
Ils goûtaient les plaisirs d’une soirée d’été
Baignant dans le bonheur, exprimant leur gaieté.
Tapie dans les cahots d’un funeste chemin
La mort cachée et fourbe attendait les gamins.
Leur visage d’ange au sourire figé
Reflète la froideur d’un destin abrégé
Unissant à jamais leur mémoire effacée.
Ils sont là, allongés, immobiles et glacés.
LA PLUIE
C’est sous un ciel maussade obscurcit et morose
Dont l’épaisse noirceur appuie comme une chape
Que ma raison s’égare vers d’autres horizons.
Le jour a fait place à la nuit et mon corps se nécrose
Tristement ballotté par le deuil que l’on drape
Attendant en alerte le retour des rayons.
Tout mon être engourdi se lasse et puis s’ennuie
Ecoutant silencieux le bruit des gouttes d’eau
Qui frappent en métronome les vitres embuées.
Une longue soirée bercée par cette pluie
S’annonce monotone pour mon pauvre cerveau
Voguant en solitaire sur les grises nuées.
L’ondée fertilisante abreuve cette terre
Apportant au milieu, salutaire liquide,
Les larmoiements des nues aux perles salvatrices.
Et demain le soleil en sa vive lumière
Enflammera le sol dans un enfer torride
Dispensant aux prairies ses faveurs bienfaitrices.
FELICITE
Une seule caresse et mes longs poils se dressent
Affolant tous mes sens et mon sexe érectile
Que le désir titille en explosion futile
Goûtant à ces plaisirs qui promptement jaillissent.
Ce phantasme est en moi et calcine ma chair
Palpitant et fiévreux, capricieux et amer
Accaparant mon cœur d’exquises excitations
De rêves érotiques aux fortes exaltations.
Quand le corps et l’esprit en violente fusion
Eclatant de délices s’abandonnent indécents
Dans des extases brèves aux cris concupiscents
Concentrent leur union en fébrile effusion,
L’univers étoilé répète son big bang
Poursuivant inlassable l’éternelle expansion
Infiltrant dans mes veines la fougue d’un pur sang
Soucieux de satisfaire l’insatiable passion.
L’AURORE
En ce mois de septembre ou s’éloigne l’été
J’ai rejoint mon refuge éloigné des rancunes,
Soucieux de retrouver cette sérénité
Dans cet éden de calme aux froideurs opportunes.
Oubliant délivré rumeurs, rancoeurs, râleurs,
Dédaignant insensible le flot de querelleurs
Ignorants abêtis.
Les propos de Babine, ahuri patenté,
Sont les derniers succès du forum de café
Traduisant à l’excès en ce lieu fréquenté
Par de fins philosophes à l’esprit échauffé
Les critiques abusives sorties de son cerveau
Dont l’acide insipide nettoie le caniveau
Encombré de débris.
Il y a aussi Canine qui constamment fulmine,
Perpétuel frondeur en permanent débat
Dans son coin replié où son aigreur chemine
Evoquant agressif son éternel combat,
Refusant insensé de subir les diktats
Des règles imposées par de nombreux constats
Chaque jour établis
Et puis il y a Molaire, amoureux de théâtre,
Croyant que sa terrasse est arène de cirque
Se transforme en dompteur de fauve acariâtre
Dominant le quartier en valeureux cacique
Taciturne et sournois, hypocrite et flambeur
A l’ego goguenard évitant le labeur,
Allant de mal en pis.
Voilà la galerie des portraits que j’abhorre
Réservant pour demain à tous ceux que j’adore
Le réveil matinal d’une fort belle aurore.
LE LYS
Cette fleur que j’adore je voudrais te l’offrir,
Fragile pédoncule d’un vert tendre d’espoir
Supportant sur sa tige gracile, pour t’émouvoir,
Les larges corolles que j’irai quérir.
Les pétales entr’ouverts aux veloutées nervures
Entourent le pistil livré aux butineuses
Souillant de leurs pattes velues la divine parure
Emportant ce nectar vers les nymphes peureuses.
Et cette plante pourpre tachetée de points noirs
Rehausse lumineuse l’étamine divine
Au pollen nourrissant empli de fols pouvoirs
Essaimant alentours l’espèce purpurine.
L’enveloppe attendrie du somptueux sépale
De ses riches ornements protége le calice
De la beauté sublime, étoile végétale,
Délivrant son éclat au suave délice.
DELIRIUM
Seuls, dans le jour qui s’éteint, qui s’embrase
Et qui flambe dans un dernier sursaut,
Je sens dans le silence ton cœur contre mon cœur
Enivré de bonheur dans la nuit qui s’installe.
Toi, moi, la nature et la joie, un ciel semé d’étoiles,
Tes lèvres sur mes lèvres, ta tête entre mes bras,
Ton corps contre mon corps, tes seins sur ma poitrine
On respire avec force les parfums de l’amour.
Je susurre à tes sens des gestes impudiques,
Ta poitrine trop blanche éclate dans le soir
Et ton corps en alerte ressent intensément les gestes
Qu’il attend, unis dans un silence qui nous appesantit.
Et comme l’horizon qui recule sans cesse
Tu me demandes encore de serrer mon étreinte,
Assoiffée de désir et de douces caresses
Quand le plaisir éclate en millier d’étincelles.
LE SEGALA
La terre ingrate a bu l’âpre sueur
Du pauvre travailleur ahanant au labeur.
De l’aurore craignant la blafarde lueur
Pour reprendre épuisé et perclus de douleur
Ces gestes éternels de solide faucheur
Animé par l’espoir d’un lendemain meilleur.
De la pierre trempée dans l’eau de son coffin
Il aiguise sans fin la faux de métal fin
Qui couche le blé gras de ce petit lopin
Où se cache heureux l’espiègle galopin
Poursuivant excité les cailles déplacées
Par-dessus les talus et les sources glacées.
Dardé par le soleil le foin vert retourné
Blondira lentement avant d’être fané
Et chargé savamment sur le char cloisonné.
Déposé dans l’abri en tas désordonné
La pâture emplira l’auge patinée
Quand des soirs froids d’hiver la bise déchaînée
Dans son aigre folie peuplera la vallée
D’ombres fugitives animant la veillée.
RETROSPECTIVE
Un trouble subtil né de regards verts croisés
Dans le car cahoteux aux vieux fauteuils usés
A scellé pour toujours les ambitions rêvées
De deux êtres épris aux émotions gravées
Dans le temps écoulé sur les chemins pavés
De souvenirs profonds aujourd’hui avivés.
Le chemin parcouru durant ces décennies
Est jalonné de joies et d’amours infinies
Dans la complicité quelques fois animée
D’un partage total avec le bien aimé.
De Rouen à Paris, du Lagast à Clermont
Passant par Florensac, rejoignant le Piémont
La route fut longue et parsemée d’efforts
Pour atteindre Gignac et son vieux château fort.
Retrouver des amis trop longtemps oubliés,
Explorer ces chemins aux parfums irradiés
Chargés de mille bruits évoquant le passé
C’est vivre et aimer, un espoir caressé.
A l’ombre de la tour notre vie s’est posée
Dans le parfait éden aux joies inépuisées.
BEATITUDE
Sentir sur son front le frôlement d’un ange
Quand vibre au loin un sentiment étrange,
Onirique saveur d’un songe éthéré,
Frivole, frémissant sur le corps mordoré
Est un instant divin de frissons libérés
Dans le trouble d’extases et d’émois égarés
Où sombre sublimée l’ultime volupté
Emportant, puéril le rêve exalté.
Eternel vagabond mon âme épuisée
Dans sa quête forcée d’une passion brisée
Vaporeuse s’enfuit vers des lieux ignorés
Aux délices d’éden toujours inexplorés.
Isolé, esseulé sur ce grand lit vide
Aux draps froissés d’excitations avides,
Seul, impavide devant son corps livide
J’avale ému l’extrait de cantharides,
Désir frénétique
D’une nuit torride,
Réveil érotique
D’un matin aride.
CONSTELLATIONS
Je rêve dans la nuit aux lointaines novas
Eclairant l’univers de cascades d’argent,
Feux follets tremblotants aux immenses fracas
De lueurs éthérées peuplant le firmament.
J’ai atteint mon zénith dans le ciel étoilé
Ecarquillant les yeux, embrassant Cassiopée,
Le carré de pégase et le dôme voilé,
Bercé par le zéphyr en douce mélopée.
Verts humanoïdes au cœur confraternel ?
Immense galaxie, étrange voie lactée
Où résonnent les sons d’un appel éternel
Vers des astres lointains que l’on croit habités ?
Ce vide sidéral à l’obscure clarté
Frémit de mille bruits frissonnant dans le noir,
Abrite dans l’éther mon esprit agité
Qui rêve d’un big bang dans les parfums du soir.
FUGUE….
Mourir et renaître en un sursaut d’envie
Quand le souffle s’éteint et que s’enfuit la vie
Dans un hoquet sans fin, ultime abandon
Vers un néant lointain suscitant le pardon.
Croisée un soir d’hiver la camarde était là
Sinistre, psalmodiant l’appel de l’au-delà,
En funèbres habits toute de noir vêtue
Coffin au ceinturon, immobile statue.
J’ai vu ce sang vermeil bu par mes viscères
Jaillir en flots épais de mes cruels ulcères
Par mes lèvres rougies imbibant mes frayeurs
Abandonnant mon corps aux mains des fossoyeurs.
Et puis…un homme en blanc dans un halo ouaté
D’un décor de Folon mit fin à l’anxiété,
En gestes mesurés aux actes empressés
Délivrant de ce mal mes organes blessés
.
Avec mes remerciements envers tous ceux qui par passion et compétence
Soulagent chaque jour l’indicible souffrance.
18/02/12 à 3 heures
FUSIONS ET PERVERSIONS
J’ai lu et j’ai relu attentif le détail
Du protocole amer de cession de Danone
Biscuits, douceurs et autres pets de nonne
Traitant ses salariés comme simple bétail.
La mondialisation et les fonds de pensions
Sont le nouveau fléau activant les tensions
Du milieu ouvrier marqué par les fusions
Sans concession aucune faisant fi des lésions.
La dérégulation demeure une illusion
Qui génère en son sein de molles réactions
Dans un monde perdu dont les évolutions
Avides et impatientes éloignent la vision
D’un futur équitable empreint d’humanité,
Aux idées généreuses de vraie fraternité,
Soucieux d’égalité et de félicité,
Combattant efficace contre la pauvreté.
La libéralisation tue la liberté,
Nécrophage sordide assoiffé d’exclusions
Enlève au travailleur sa dernière fierté,
Provoque impavide misère et illusions,
Rassasiant exalté
La rentabilité.
GARRIGUES
Dans le désert de pierre aux trouées de calcaire
Quelques herbes esseulées à la tige épineuse
S’accrochent aux rochers et souffrent leur calvaire
Dans l’attente incertaine d’une nuit orageuse
Qui viendrait apporter à leurs maigres racines
La douce humidité nécessaire à la plante.
En ces espaces arides au milieu des ravines
Où seule persiste encore la flore résistante
Du thym fort odorant à la ciste à fleurs roses,
Mille parfums se mêlent en douces symphonies
Emportés par le vent berçant les primeroses
Qui s’enfuit bienheureux vers d’autres harmonies.
Les cigales furtives aux élytres agités
Se posent insouciantes sur les chênes kermès,
Les grillons animés stridulent entêtés,
Crissements monotones et joyeuses promesses
D’un été espéré de douceur et de joie
Sous un soleil de plomb quand la lueur flamboie.
Plus loin dans les taillis de ronces envahis
Remise la perdrix rouge et gîte le garenne
Surveillés par la buse aux grands yeux ébahis
Avide de mulots a l’ombre sur un frêne.
Au creux du vallon d’or frissonne la grand’ mare
Dont le pourtour de glaise abrite des ajoncs.
Frayère à batraciens, excitant tintamarre
Dans de vives étreintes et somptueux plongeons
Donne en ce magique site des scènes féeriques,
Coassements nuptiaux aux rauques frénésies
Assurant pour la vie, fébrile, hystérique
Cet échange animal sans vaines fantaisies
Ô garrigues étonnantes aux surprenants désirs !.....
De nos yeux éblouis admirons les plaisirs
D’un milieu naturel surchargé d’émotions
Tentant pour subsister de sobres mutations.
L’HIVER
Le soleil enflammé éclaire l’horizon
Rougeoyant et sanguin dans le ciel qui s’endort
Libérant affamés les vampires et la mort
Trop longtemps enfermés dans leur triste prison.
Ma musique en deuil se répand dans le soir
Egrenant ses sanglots aux rauques inflexions
Dont les accents amers sont empreints de passions
Et volent agités vers un nouvel espoir.
Les trémolos aigus aux sons graves mêlés
Font pleurer les novas qui dansent dans le noir
Transformant l’horizon en immense miroir
Où luisent et se mirent les astres constellés.
Le vent aigre du soir acide et forcé
Colporte bougon son haleine morose,
Agitant acéré les vieux toits de lauze
Annonçant un hiver froid, sombre et glacé.
LA MERIDIENNE
C’est un pont de béton dressé sur ses piliers
Aux lignes épurées qui franchit singulier
Le fleuve émeraude en sa large vallée
Reflétant sur son cours l’imposante culée.
Bien ancré sur les rives il flotte vaporeux
Ouvrant majestueux cet horizon heureux
D’un bourg brumeux serti de moult vestiges
Fier de son passé aux somptueux prestiges.
Le tapis d’enrobé s’étire dédaigneux
Caressant Puech Courbi et son profil marneux
Livrant sur son tracé des secrets inouïs
Quand le soleil levant au loin vous ébloui.
La A 750 a choisi son parcours
Poursuivant son chemin sans halte ni détours
Perforant insensible les bois de chênes verts
Créant sur sa trouée de tragiques déserts.
Et en un tour de mains
Avide de soleil
La cohue cahotante aux moteurs endiablés
Impatiente fuira vers les plages ensablées
Traversant les garrigues aux puissants genêts d’or
Charriant en cohorte les blonds conquistadors
Bataves ou germains
Pleins de morgue et d’orgueil.
LA TOUR
Embrassant l’horizon depuis son promontoire,
Cette tour médiévale aux murs chargés d’histoire,
Domine impavide, beffroi ostentatoire
Fidèle à son passé et ses heures de gloire.
Depuis longtemps déjà, utile observatoire,
Surveille alentours le vaste territoire
Et ses lointains villages, essaimés sur la plaine,
Entourés de garrigues fleurant la marjolaine.
Mille couleurs se mêlent en une symphonie,
Sublime et féerique, où tout est harmonie,
De l’ocre de la ruffe au gris du mont Liausson,
Du jaune des collines au vert de Pierrefont.
Emblématique ouvrage il est le cœur et l’âme
De ce village aimé que l’habitant acclame,
Riche de traditions et porteur d’espérance,
Il jouit d’un renom, fier de son attirance.
De l’usure du temps ces vestiges imposants
Ont subi des désordres, aujourd’hui angoissants,
Qu’il convient de réduire avec célérité
Préservant de ce fait l’orgueil de la cité.
Majestueux remparts et venelles obscures
Aux encorbellements de riches architectures,
Votre mise en valeur apparaît nécessaire
A l’ombre du donjon tant de fois séculaire.
Huit monuments classés et quatorze oratoires,
Demain, peut être, ville d’art et d’histoire…….
Gignac terre d’espoir garde sa mémoire,
Cultive ses coutumes et au futur veut croire.
LUBRICITE
Dans le bois de Boulogne un carré de mignons,
Une veuve éplorée, une hétaïre choquée
Une dinde aux marrons, une meuf aux quignons,
Une épouse battue, une morue maquée.
Et dans la grande allée aux arbres dénudés
Une femme voilée, des soûlards débraillés
Vociférant hargneux après les attardés
En transe reluquant les trans déshabillés.
En ce lieu de débauche où les corps se chevauchent
Dans une courte étreinte aux plaisirs tarifés,
Les ombres se faufilent quand les bruits se rapprochent,
Fantômes agités aux sens fort échauffés.
Recherchant excités les plaisirs éphémères
De cette toison d’or objet de tant de rêves
Aux profondeurs humides et aux douceurs amères
Les pauvres hères halètent le temps des amours brèves…..

MON REFUGE
Les murs couverts de lierre ancré aux vieilles pierres
Ma maison rouergate aux larges escaliers,
A deux pas de l’église résonnant de prières,
Respire la quiétude des lieux hospitaliers.
Le toit vêtu de mousses est recouvert de lauses,
De vastes cheminées occupent ses pignons,
Les terrasses dallées parfaitement encloses
Surveillent le jardin depuis le cabanon.
A l’intérieur douillet toujours mal éclairé
Se dresse l’escalier s’élevant vers l’étage
Où se cachent discrets les songes apeurés
Parmi les souvenirs et les vieux paquetages.
Au centre de la chambre trône la vieille maie
Utilisée jadis pour faire le bon pain
Avec du beau blé blond expurgé de l’ivraie
Dont la pâte pétrie se gonflait de levain
Enfoncé dans le mur le placard ancestral
Renferme des secrets sur ses planches rugueuses,
Vieilles photos jaunies pliées dans du journal,
Cartes décolorées, anciennes images pieuses.
Puis dans le galetas où le passé sommeille
Au milieu des débris une rangée de pots,
Une lampe de cuivre, un cadran qui scintille,
Des outils inutiles et deux vieux chassepots.
Et sous des fanes sèches d’haricots oubliés
Un révolver roulé dans un chiffon noirci
Evoque tristement les hommes suppliciés
Dans un coin de forêt, au bord d’un raccourci.
Innocentes victimes, chemineaux égarés,
Dans un bois de bouleaux lâchement enterrés
Par des soldats indignes aux brassards usurpés,
Aux consciences fragiles mais jamais inculpés.
J’ai vu ce lieu sinistre et ne peux pardonner
A ces hommes sans âme qu’il faudrait enchaîner
Et qui vivent paisibles ignorant leurs forfaits
L’existence tranquille de citoyens parfaits.

LE PRINTEMPS DES MOTS
Quelle joie de trouver dans le rythme des phrases
la rime qui s’étale et comme un feu s’embrase
Sur cette blanche feuille où la muse s’amuse
A dicter à nos cœurs l’inspiration qui fuse.
Ils sont là nos jeunes poètes, fiers et heureux,
Pour chanter sur les mots aux sons bien vigoureux,
Soucieux de feuilleter l’imposant dictionnaire,
Avides du savoir à cet art nécessaire.
Ils vont rêver ce soir des voyelles à Rimbaud,
Des musiques à Verlaine, des chansons de Renaud,
Et découvrir sereins l’amour des bons poètes
En mettant tout leur cœur pour réussir leur fête.
A ces chers chérubins en quête de sonnets,
Il convient d’apporter, au lieu d’un martinet,
Un paquet de syllabes accrochées en guirlande
Pour que valsent les vers en vive sarabande.
Merci l’instigatrice de ce printemps des mots
Découvrant le talent de nos doués marmots
Qui dés demain seront, grâce à vous on l’espère,
Les futurs Heredia, Musset ou Baudelaire.
La culture à Gignac rayonne à nouveau
De quatrain en sizain, de pantoum en rondeau,
Faisant vibrer les mots de mil épithètes
Dans la joie extasiée des apprentis poètes.
Vivons ces bons moments de vive frénésie,
Ecoutons des enfants la douce poésie.
REMINISCENCES
J’ai vu passer un ange à chevelure blonde,
Au regard fixe, oublieux de nos éclats de rire,
Que naguère j’ai aimé et qui fut ma Joconde
Dans une vie lointaine source de mon délire.
L’insouciante jeunesse a figé cet instant
Dans un coin de mémoire caché, inaltéré
Qui du tréfonds de l’âme resurgit palpitant
Exacerbant les sens d’un caprice acéré.
Mon corps ne brûle plus mais mon âme est en feu
En proie à ces tourments que cache le destin
Abritant éternel l’incroyable aveu
D’une soirée d’été d’un espiègle lutin.
Et quand je parviendrai au déclin de ma vie
Ces noirs regrets ranimés comme un regain d’envie
Reviendront, légers, effleurer mon esprit vacillant
Donnant à ce départ un charme pétillant.

RESILIENCE
Impassible, serein, je suis décontracté
Voyant la vie en bleu et en quadrichromie
Soulignant silencieux la colère actée
Sur des pages glacées encrées dans l’infamie.
Je suis prêt au combat devant l’agitation
De rumeurs propagées stériles réactions,
Tumultes puérils nécessitant l’action
Effaçant tous ces mots de vile tentation.
J’agis et réagis aux propos humiliants
Sur un torchon écrit au vitriol fumant
Diffusant ça et là un dessein diffamant
Pour le simple lecteur servant d’anesthésiant.
Etre nul je le sais est un lourd handicap
Que le sort a jeté au hasard de ses choix
N’affectant nullement le maintien de ce cap
Que fidèles amis ont scellé de leurs voix.
SOIR D’ETE
Sifflez siffleurs des bois
La nature est à vous.
Le bruissement des feuilles
Qui tremblent sous la brise,
Ces parfums qui vous grisent,
L’onde qui frémit
Le soleil qui vous brûle,
Le papillon qui doucement, doucement
Se pose.
L’herbe qu’on foule,
La source qui court,
Les roseaux qui courbent,
Le sable blond des berges,
L’abeille qui butine,
La douce libellule,
L’azur du ciel,
Les grillons qui murmurent,
La douce apathie,
La grisante paresse,
L’enivrante caresse,
Le fort chuchotement
Des cigales en concert,
Les vives hirondelles
Volant à tire d’aile,
Des rêves enfouis,
L’envie inassouvie…
Souvenirs envoutés
D’une soirée d’été...
EVOCATIONS …
C’est un preux chevalier couvert de son armure
Sous son heaume ajouré étranglant un murmure
Chevauchant rutilant un vaillant destrier
Piaffant d’impatience les pieds à l’étrier
Qui vient peupler mes rêves enfiévrés et tremblants
De jeune adolescent aux souvenirs troublants.
J’ai vécu plusieurs vies ancrées dans ma mémoire
Qui surgissent agitées au gré d’un vieux grimoire
Abandonnant au jour le rêve inachevé
Dans les brumes éthérées à tout jamais gravé.
La grande salle vide au silence pesant
Est le cadre angoissant d’un songe épuisant
Dans un donjon glacial aux sombres ouvertures
Où la bise ennemie fait trembler les tentures.
Traverser le couloir et les alcôves obscures
Muets témoins secrets d’étranges aventures
Dont je garde enfouie la trace indélébile
Grelottant dans le froid angoissé et fébrile.
Des hordes de soudards aux armes ensanglantées
Ont franchi les fossés aux douves colmatées
Détruisant affamées les greniers dévastés
Dans la ville en folie aux logis désertés.
Devant l’étrange hantise d’une vieille existence
Mes souvenirs anciens vibrent en silence.
BIR HAKEIM…
D’un combat inégal ils sont sortis vainqueurs
Oubliant dans la gloire les sordides rancoeurs
De ces moments cruels vécus dans la pénombre,
Dédiant leur succès aux combattants de l’ombre
Dont les stèles blanchies telles des fleurs des champs
Sont plantées alignées dans un ordre touchant,
Rappelant au quidam que sous ces croix figées
Reposent des martyrs à la vie abrégée,
Stoïques résistants épris de liberté
Morts debout, courageux, dans l’ultime fierté.
Ils ont donné leur sang dans un dernier sourire
Face aux soldats germains à l’étrange délire
Sur les rochers sculptés du cirque de Mourèze.
Fantômes fugitifs au sommet des falaises
Ils hantent silencieux le pierreux sanctuaire
Transformé aujourd’hui en triste ossuaire,
Guettant de leur repaire les massifs alentours
Où semble résonner du combat le bruit sourd.
Puis, près du Mas Rouge, le chef a succombé
Téméraire éclaireur de son honneur nimbé,
Laissant aux compagnons la foi de persister
Dans l’action entreprise de croire et résister.
Le maquis Bir Hakeim a inscrit dans l’histoire
En lettre de sang une amère victoire
Pour que vivent demain ces valeurs immortelles
Qui fondent ce pays sur des bases éternelles.
JM JOVER 18/06/08
(Mémorial de Mourèze)
CONTEMPLATION
Comme le glas d’hiver résonne dans le soir
Mon âme libérée s’envole dans les airs
Quittant ce corps sanglant reposant dans le noir
Sans haine ni regret vide corset amer.
Une étrange clarté brille de mille feux
Dévoilant le sentier menant au firmament
D’où s’élèvent radieux nos singuliers adieux
Vers les êtres aimés livrés à leurs tourments.
Retrouver ses aïeux dans la douce moiteur
D’un éden merveilleux où tout est volupté
Est le rêve douteux et l’éternel moteur
De ceux qui croient en Dieu et son éternité.
Le passage contraint vers l’autre dimension
Redonne au départ une interrogation
Que d’aucuns ont vécu, unique sensation,
Relatant convaincus leur réelle émotion.
Ce 01/11/12
LES SENIORS
De paillettes dorées finement parsemées
Les tables alignées savamment décorées
Attendent patiemment la fête programmée
En l’honneur des anciens en tenues chamarrées.
Ils se retrouvent heureux partageant amusés
Les souvenirs lointains gravés dans leurs pensées
Quand les douleurs s’enfuient de leurs vieux corps usés
Sur la piste cirée tendrement enlacés.
Sur la scène dressée les gazelles emplumées
Montrent leur nudité aux formes potelées
Fermement soutenues, chaudement acclamées
Par un public ravi des splendeurs dévoilées.
Puis dans le brouhaha de ballets agités
Belges et Irlandais, schtroumpfs et bigotes,
Novices et séniors par la grâce habités
Sur les planches lustrées dansent la gavotte.
Le bon repas servi n’est que le trait d’union
Favorisant liens et sourires heureux
Malgré le froid si vif perturbant le trublion
Qui privé de son brie redevient coléreux.
On pardonne tout à qui ne pardonne rien.
MELANCOLIE
Le ciel est gris
Une lyre égrène un chapelet
De notes claires
Qui dansent dans mon esprit.
Je souris
Et le vent emmène
Au gré de ses tourbillons
Ce rayon.
Adieu tristesse tu es partie
Car il a suffi
Qu’une lyre égrène un chapelet
De notes claires
INSPIRATIONS
Quand ma pensée déprime
Je me traîne bohème
Ebauchant ma requête
Pour un nouvel éveil.
Je m’arrime à ma rime
Comme le savant au théorème
Comme le tambour à sa baguette
Comme l’élu à son fauteuil.
Et pour cela je trime
Car c’est tout un poème
Quand le délire guette
De dormir que d’un œil,
Mue par les mots que l’on mime
En recherchant son thème
Ma muse en goguette
Retrouve son orgueil
Et d’une encre sublime
Sur cette feuille blême
Retrace l’épithète
Traduisant cet écueil
Quand l’aède s’anime,
Evitant le blasphème
Dans un sursaut d’ascète,
Pour finir ce recueil.
CHRISTELLE
Quand le jour qui point annonce fièrement
Ce cap qu’il faut franchir inondé de désir
Je ressens du bonheur et voudrais simplement
Partager pleinement ce vrai divin plaisir,
Fêter tout tendrement cette beauté glamour
Sur qui le temps léger n’a jamais eu d’effet,
Attiser chaque jour mon plus profond amour
Dans la vive chaleur d’un ménage parfait,
Jouir de ces moments que nous donne la vie
Riches du temps passé pour croire en l’avenir.
Amoureux de ma mie je le dis à l’envi
Ajoutant au présent nos plus beaux souvenirs.
Dans un ciel bleu d’azur les jours trop courts s’enfuient,
Sèment au gré du temps la divine passion
Sincère émotion effaçant les ennuis
D’un foyer réuni en douce soumission.
Quarante ans c’est je crois la fleur épanouie
Dans un jardin d’éden ou croissent des bambins
Diffusant les parfums d’un rêve inouï
Mêlant à l’air du soir les cris des chérubins.
Enfin tous réunis pour fêter ce moment
Je crierai mon amour fidèle et passionnel
Exprimant posément ce noble sentiment
A mes yeux embués paraissant éternel.
LA CETOINE
Attirée par les fleurs comme un doux papillon,
De pistil en bouton avide du pollen
Chargé de forts parfums dans un parfait hymen,
La cétoine dorée ou hanneton des roses
Danse bruyamment auprès des lauriers roses
Puis s’envole d’un trait vers un autre horizon.
Ses doux reflets nacrés sont du plus bel effet
Dans ce jardin discret embaumé de genêts,
Il vole et virevolte dans de joyeux ballets,
Passant de fleur en fleur, semblable au feu follet,
Grisé de ce nectar aux ingrédients secrets
Qu’il puise sans pudeur constamment aux aguets.
Scarabée irisé aux couleurs métalliques
Cet insecte mythique vénéré comme un Dieu
A survécu au temps où fresques symboliques
Et ornements funèbres, en des lieux ténébreux,
Accompagnait les morts dans leur destin lunaire
Eclairant chaleureux leur chambre funéraire.
Il vole et virevolte dans de joyeux ballets,
Passant de fleur en fleur, semblable au feu follet…
LA LYONNAISE
C’est quand le cochonnet sautille lentement
Que les boules dorées s’entrechoquent gaiement
Au pied de cette tour où le terrain de jeu
Se blottit sous les cris des amoureux du lieu.
A l’ombre des mûriers ils s’agitent ravis
Admirant sous leurs yeux le village qui vit
Dans la lourde moiteur des obscures venelles
Théâtre autrefois de jets de “trentanél”.
Damer, tracer, tailler est l’œuvre de Marcel
Qui présent chaque jour prépare ses ficelles
Qu’il sort de temps en temps a la fin du festin
Quand les vapeurs du get modifient le destin.
C’est l’âme de l’endroit, l’ancêtre vénéré
Au rire permanent sans cesse affairé,
Donnant aux affidés le plaisir de jouer
Dans un cadre plaisant que chacun doit louer.
Dédié à Marcel Mauri pour l’ensemble de son engagement dans la promotion du sport boules à Gignac.
Avec toutes mes amitiés,
Cordialement
Jover Jean Marcel ce 9 septembre 2013
MORBIDITE
Quand les vers danseront dans mes orbites creuses
Et que mon sang vermeil irriguera la terre
Je voudrais sur ma tombe un tableau du grand Greuze
Rappelant au passant cette vie éphémère.
Seul, dans la nuit qui descend et nous couvre
D’un voile ténébreux, je me sens emporté dans un monde
Irréel et déjà si amer comme dans un grand gouffre
Froid, éternel, profond, misérable et immonde.
Et je me vois là, au milieu des misères humaines
Donnant mes entrailles putrides à des chacals hideux
Qui, de leurs pattes affreuses, déchirent les bedaines
Des bourgeois bedonnants aux membres fluctueux.
Le triste Achéron est un fleuve sans fin
Sur lequel danse sans cesse un étrange bateau
Dont le pavillon noir est orné d’un coffin
Symbolique et brillant et d’une grande faux….
LES OUBLIES
Ils sont assis en rond, les yeux écarquillés
Malmenés par la vie et l’injuste destin,
Ballotés ça et là, tremblants, dépenaillés,
Attendant patiemment que vienne le festin
Qui dans le froid du soir obsède leurs pensées.
Transis et malheureux dans leur triste douleur.
Ils ont tout oublié: l’odeur des fricassées,
La douceur du foyer, les gestes cajoleurs.
Serrant leurs petits poings face à l’adversité
Ils vaincront courageux l’effroyable malheur
Pour retrouver heureux l’adorable gaieté
Des enfants câlinés ignorant leur bonheur.
Béni ce jour radieux ou le sort s’est calmé
Sous les traits souriants d’un voisin alarmé
Devant les yeux cernés des pauvres affamés
Flottant dans leur chandail aux coudes élimés.
Il suffît d’un regard attentif et humain
Sourire dans la nuit, rêve inattendu,
D’un geste anodin tel que tendre la main
Pour transformer l’espoir en amour éperdu.
Aimer et partager, donner et recevoir,
Ces verbes sonnent creux pour ceux qui les renient
Et restent dans le noir repoussant leur devoir,
Aveugles, insensés devant l’ignominie.
Assumons le présent, n’attendons pas demain
Pour donner à chacun un meilleur lendemain.
Aidons l’institution contre la pauvreté
Et ce nouveau fléau nommé précarité
Qui chaque jour surprend au détour de la vie
Les humbles ignorés aujourd’hui asservis.
FOURNAISE
Les renards apeurés ont quitté leur tanière,
Les lapins apeurés ont rejoint la lisière.
Le feu fou attisé embrase la clairière
Et de cols en vallées s’étend l’âcre fumée.
Le fauteur de ce trouble, comme à l’accoutumée,
Un touriste cynique de triste renommée,
Anonyme mortel, inconscient, effacé,
Ignorant et stupide en ces lieux déplacé.
Des arbres centenaires vont périr écorcés,
Calcinés et noircis, par une nuit d’été.
L’autochtone impuissant, fébrile, hébété,
Désarmé, oublié, attristé, rejeté,
Voit brûler sa forêt…
MYSTERES
Des milliers d’étoiles ont éclairé ma nuit
Peuplant mes songes creux de comètes ailées
Qui dans un lent ballet comblent leur ennui.
D’étranges chevauchées aux éclats endiablés
Illuminent les cieux de leurs folles lueurs
Et laissent dans le noir la trace de leur queue,
Panache argenté dont les vives couleurs
Dans l’univers lointain de ces astres aqueux
Où peut être demain la vie s’éveillera.
Quand brûlent les novas c’est un agglomérat
Poussière du big ban qui lentement s’éteint
Mettant fin à jamais à ce curieux destin.
20/10/2014
« La société a besoin de poètes, comme la nuit a besoin d'étoiles. »
Stanislas de Boufflers
SUFFISANCE
Quand le glacial dédain de quelques citadins
M’interpelle vexé de tant de fatuité
Je sens monter en moi une animosité
Tempéré par la honte de gestes anodins.
Je veux bien assumer la versatilité
De ceux que j’ai aidé mais ne veut point plaider
Face à des inconstants mon refus d’accéder
A leurs sombres souhaits créant l’hostilité.
Règne d’hypocrisie aux funestes désirs
Les actes collectifs sont éloignés des mots
Et dans l’adversité ils ressassent leurs maux
M’accusant acharnés de tous leurs déplaisirs.
Leurs regards lointains traduisent les colères
Envers tous ceux qu’ils croient la cause de leurs pleurs
Ajoutant cet orgueil, inutiles râleurs,
Aux futiles clameurs de rumeurs délétères.
Faut-il vraiment donner pour recevoir ?
...
CAUCHEMAR
Comme le rêve fou aux obscures pensées
Encombrant éthéré mon âme embuée
Je m’enfuis affolé vers d’autres destinées
Emporté par la brise aux délires insensés.
Ma musique est funèbre et ses notes brisées
Déferlent en saccade comme tristes nuées
Sur l’esprit encombré d’ombres enchaînées
Vacillant sous la flamme de désirs angoissés.
Vampire délaissé aux canines aiguisées
Je sors de mon abri insensible aux huées
Et recherche affamé les pâles dulcinées
Au blême cou laiteux et membres convulsés.
De mon château de sable aux immenses croisées
Desquelles je voudrais, frénétiques ruées,
M’envoler allégé dans d’étranges traînées
Pour rejoindre à jamais le clan des trépassés.
TROUBLES
Dans mon antre glacé brûle la cheminée
Diffusant sa chaleur dans notre maisonnée.
La bise se brise sur les carreaux gelés
Secouant les volets de son souffle aigrelet.
Assis au coin du feu je m’endors sagement
Laissant vagabonder mes idées sciemment
Engourdies par le froid flashant l’image floue
Vers d’autres horizons peuplés de rêves fous
Où diables crochus, cornacs d’éléphants roses
Remuant leur trident triturant ma cirrhose
Dansent leur saint sabbat autour de ma folie,
Délire exacerbé attendant l’homélie.
J’ai perdu mon chemin en brisant mon compas
Et l’étoile du nord me guide au trépas
De ce pas incertain traduisant mon émoi
D’entrevoir cette fin aux portes de l’effroi.
ILLUSIONS
Du passé passionné auquel j’ai tout donné
Il ne reste plus rien, souvenirs effacés
Du fonds de mon esprit en flots désordonnés
Trop longtemps enfouis en regrets ressassés.
Le destin est inscrit sur la page froissée
Ecrit en lettre d’or sur le papier glacé
Du livre de ma vie aux empreintes gravées
Par le temps écoulé de vœux inachevés.
Ils répètent partout l’aphorisme lointain
Qui trône au dessus des lieux républicains
Sans pour cela lâcher leurs riches indemnités
Sous les ors des palais scellant l’impunité.
Le monde doit changer vers un fier avenir
Où solidarité, amour, fraternité
Ne seront plus des mots mais la réalité
Autour de rêves fous pour mieux se réunir,
Se comprendre et s’aimer.
A BRIGITTE
Un turban sur son front,
Un sourire brillant.
Des dents de porcelaine,
Une fine peau d’ébène.
Des yeux noirs malicieux
Un regard ambitieux.
Une verve vive
Que la vie avive.
Des éclats de rire
Que la joie inspire.
Une spontanéité,
Eternelle gaieté,
L’aisance naturelle,
La vaine querelle,
Rien ne l’interpelle
Car au jeu elle excelle.
Son charme enjôleur
Parfois ensorceleur
Dévoile les rondeurs
Sous l ample débardeur
D’une fausse pudeur
Mais réelle candeur.
Son cœur est immense
Et en plus elle pense…
MA SOLITUDE
Dans le bourg engourdi aucun bruit ne frémit
Seuls les volets ouverts claquent au gré du vent.
Comme des feux follets des ombres égarées
S’éloignent dans le froid quand la bise gémit
Emportant dans le soir ces reflets d’un avant
Où les rires d’enfants enflammaient les soirées.
La vie s’en est allée effaçant la misère
Et ces longues années d’un labeur plein d’espoir
De passions déchirées, de rêves incertains
Faisant sourdre des bois en ultime colère
La voix des oubliés se glissant dans le soir
Vers un nouveau destin et ses tourments lointains.
Aujourd’hui tout s’éteint et les âmes s’enfuient
Abandonnant ainsi aux intruses orties
Les jardins familiaux et les sombres allées
Peuplées de revenants aux regrets pleins d’ennuis
Cherchant désespérés un peu de sympathie
D’autochtones discrets à jamais esseulés.
LE CRABE (A mon ami…)
J’ai vu le crabe noir et ses pattes velues
Réveiller sa douleur au tréfonds de son corps
Sanguinolent espoir d’un ultime salut
Livré au seul destin d’un polype retors.
Etouffant les sanglots devant la tragédie
Il faut les dents serrées résister au cafard
Conserver le moral face à la maladie
Malgré les yeux cernés et le faciès blafard.
Il répand lentement son morbide venin
Et lance sans pudeur ses putrides assauts,
Adénome crochu que l’on voudrait bénin
Résistant sans pitié aux fragiles sursauts.
Et puis de temps en temps le soleil matinal
Troue l’horizon blême et réchauffe son cœur
Enhardissant ses sens pour ce combat final,
Féroce pugilat dont il sera vainqueur.
L’USURPATEUR
Où
Crépuscule d’un satrape
Insensible vengeur exprimant sa fureur
Enfin il a osé imposer la terreur
Déposant le masque de rancœur et de peur
Qui cachait du vainqueur le sourire trompeur.
Acteur froid, querelleur, avide dictateur
Il pointe menaçant l’index accusateur
Vers ceux qui hier censeurs ont froissé le meneur
Frondeurs provocateurs fidèles à leur honneur.
Un tel comportement méprise l’électeur
Qui par diktat du roi devient agitateur
Subissant l’agonie d’un despote hurleur
Sentant le soir venir le vent de son malheur.
L’ENVOL
Figé, les yeux mi-clos, dans son songe perdu
Il égrène des mots en fébriles sursauts.
Se mêlant au présent en surprenants assauts
Les souvenirs lointains reviennent éperdus.
Au pied du lit défait flotte comme un halo
Quand le corps se détruit et que l’esprit s’enfuit
Vers d’autres horizons au-delà de la nuit
Dans un râle angoissé d’un vibrant trémolo.
Son regard nébuleux scrute le sombre puits
Peuplé d’esprits errants qui flottent dans l’éther
Ectoplasmes mouvants récitant leur pater,
Eclairant brusquement un grand couloir qui luit.
LE LAGAST
Les arbres élancés aux ramures jaunies
Se dressent vers les cieux implorant le soleil
Effrayés des frimas préparant l’agonie
De longues nuits d’hiver d’un très profond sommeil.
Le brouillard mystérieux lentement apparaît
Sur les sombres vallées et les monts désertés
Faisant danser les haies et trembler la forêt
Peuplée de mille bruits en ces lieux tourmentés.
Et soudain surgissant dressé sur un grand mât
Les ailes déployées un monstre rugissant
Secoué par le vent d’un rigoureux climat
Sur les cimes boisées tournoie assourdissant.
Eole maîtrisé décuple d’énergie
Apporte la lumière aux foyers esseulés
Laissant la nuit aux uns aux autres la bougie
Et sort de leur ennui les sommets désolés.
LES GROGNARDS
Soldats fidèles ils ont connu la gloire
Signant de leur sang une page d’histoire.
Braves, audacieux, invoquant la victoire
Dans des chocs sanglants a l’issue méritoire.
Ils ont aimé la France et servi l’empereur
Dans des assauts violents à la vaine fureur
Partageant l’épopée dans toute sa terreur
Haïssant dans le soir une indicible horreur.
Chevauchant leur pur-sang dans la rude percée
Valeureux, sabre au clair, en rondes insensées
Ils exhortaient rageurs les troupes émoussées
Résistant impérieux à l’ultime poussée.
D’Austerlitz à Wagram, d’Iéna à Friedland
Ils hissaient les couleurs maintenant leur élan
Vers des combats futurs échafaudant les plans
Opposant les soudards aux solides uhlans.
Mais l‘astre a pâli dans un enfer neigeux
Sur la plaine glacée malgré le pont de pieux
A la hâte lancé sur les flots écumeux
Par les sapeurs d’Eblé aux gestes courageux.
Plus un éclat d’obus, les canons se sont tus.
La troupe s’étire au pas lent des vaincus
Sous l’insolent convoi de nos fiers ennemis,
Napoléon déchu et ses soldats soumis.
Les sans solde absous ont du quitter l’armée
Et chercher un abri malgré leur renommée.
Slivaritch le Croate s’installa à Gignac,
Patrie de Claparède où il posa son sac.
Téméraires grognards ils ont conquis l’Europe
Droits sur l’étrier du cheval qui galope
En folles chevauchées sur le sol hollandais
Pour vaincre l’ennemi Autrichien ou Anglais.
Aujourd’hui, réunis
Côte à côte, dans leur prison de pierre,
Ils gisent solitaires pour l’éternité
Sous la dalle gravée d’un sombre granité
Reposant en paix dans le froid cimetière.
A jamais enfouis.
A Mon Maxime
Plus que l’âge légal
C’est l’âge idéal
Où se mêlent aux rêves
Quand courent sur la grève
Les années éphémères
Chevauchant les chimères
D’un printemps insouciant
Au futur impatient
Qui, pour ceux qui te chérissent
Y compris tes nourrices
Sera plein de promesses
Et peut être….en Hermès.
Ce 5 juillet 2014
Papi Jeannot
L’ANTRE de la SOLITUDE
Chapeau vissé sur son crâne, visage rougeaud,
Une dent esseulée rehaussant ses mâchoires,
Des mains calleuses aux ongles incertains,
Une démarche instable et des pas inégaux
Dus à la chirurgie et ses nombreux déboires,
Une morale stricte à l’affût des potins,
Un regard acéré, indiscret et curieux,
Des sourcils en bataille épais et broussailleux,
Des oreilles attentives allongées et velues,
Un petit nez discret aux narines poilues.
Il vit comme autrefois dans sa ferme isolée
Dédaignant le progrès comme on fuit l’adversaire
Collectionnant les poêles et les vieux frigidaires
Vivant en solitaire dans sa salle meublée
D’un lit infâme, d’une table précaire,
Eclairant cette pièce d’une lampe funèbre
Attendant que le soir bouleverse les ombres
Et plonge l’univers en profonde pénombre.
La vaste cour boueuse envahie de décombres
Traduit l’état patent d’une maison qui sombre.
La porte branlante en très mauvais état
Laisse pénétrer par un large interstice
La bise hivernale dans le vieil habitat.
La toiture vétuste ressemble à la bâtisse
Subissant impuissante cette usure du temps.
Les fenêtres branlantes aux vitres poussiéreuses
Résistent éternelles depuis bientôt cent ans
Au climat rigoureux aux attaques furieuses.
Pourtant le Magnardès est terre d’opulence
Et l’hôte de ce lieu fait preuve d’indigence,
Refusant d’assurer par pure négligence
Les travaux exigés par son inconséquence.

COURTISANE
Le béryl de sa vie est pendu à son cou
Transparent comme l’eau, taillé comme un diamant.
Il est le souvenir d’un opulent amant
Epris de sa beauté au type andalou.
De ses yeux émeraudes aux prunelles enflammées
Le regard séduisant pénètre le galant
Aux sentiments mêlés de passions sublimées,
Les sens tout retournés par cet air pétulant.
Une broche d’opale aux reflets irisés
Orne son chemisier à l’ample échancrure
Dévoilant des secrets largement exposés
Légèrement cachés par blonde chevelure.
A ses doigts effilés parés de fins anneaux
Brille un solitaire aux bleus scintillements
Digne par ses éclats des attributs royaux,
Parure éblouissante aux parfaits chatoiements.
Dans le fond du jardin
Fleurant le grenadin
Des lapis-lazuli rehaussent une mosaïque
Posée sous un jet d’eau de perles colorées
Donnant à cet endroit un style archaïque
Au charme suranné de couleurs bigarrées
IROISE
Mes larmes douloureuses sont des diamants qui perlent
Et coulent sur mes joues creuses comme vagues déferlent
Sur la grève embrumée de mes rêves fêlés,
Inscrivant sur le sable des signes emmêlés
Que le ressac efface en gommant le rivage
Sous les moutons d'écume d’une crique sauvage.
Sont-ce de souvenirs anciens que refluent ces images
Où d’illusions perdues du tréfonds de mon âme ?
Il y longtemps déjà, un jour de mariage,
J’ai taquiné ma muse pour un épithalame
Inscrit sur le granit, buriné par les flots
Déchaînés, agités sous le rai des falots.
Puis, marin solitaire, pour sillonner les mers,
J’ai dû quitter un havre où tout était douceur
Pour vaincre l’océan au gré de son humeur,
Toutes voiles dehors sous les embruns amers,
Guidé par la grande ourse et les vents alizés,
Emportant en mon cœur tant de rêves brisés.
Goémons, Goélands, Goélette, youyous
Vous êtes mon univers où bombardes et binious,
Vénérables instruments, égrènent mélodieux
Ces notes aigrelettes aux sons harmonieux
Qui rappellent au terrien que sous l’immensité
Secouée par la houle, est née l’humanité.
Vers un monde nouveau portons haut le flambeau.
Préservons ce berceau avant qu’il soit tombeau
Des atteintes fatales, anormale souillure,
D’une nature impure en pleine flétrissure,
Saccagée et livrée aux profits indécents
De trusts déliquescents, avides et inconscients.
Unis et solidaires arrêtons le pillage,
Brisons ce lourd carcan, mettons fin au carnage.
HELOÏSE
Un vieux pétrin de bois où la pâte se lève
Dans l’arrière boutique trône anachronique
Devant un four de pierre voûté et archaïque.
Ce souvenir m’étreint et me revient en rêve
Où je revois émue l’insoumise Héloïse,
Devant ma tentation mes yeux inassouvis
Face à ces friandises sur l’étal étalées,
Troublée par la candeur aux sourires ravis
De cette envie d’enfant que la vision attise,
Impatient, affamé des douceurs emballées.
Le dimanche matin en route pour l’église
Je pénétrais malin dans le fournil étroit
Par le portail de bois, vestige d’autrefois
D’une riche demeure emplie de gourmandises
Auxquelles j’avais droit sous le tendre regard
De cette boulangère adorant le moutard.
La crème fouettée, la pâte feuilletée,
Les débris de gâteaux, les miettes sucrées
Etaient des entremets de grande qualité
Et devenaient ainsi mes desserts préférés.
Empruntant aujourd’hui cette grand’ rue sans âme
Je constate amer les devantures vides
De ces immeubles nus aux façades livides
Signes de ce déclin que je vis comme un drame.
Mes souvenirs sont là indicibles et présents,
La place du Planol, l’impasse condamnée,
Les halles agitées, le parc abandonné,
L’école de musique aux bruits effervescents,
Les boutiques nombreuses et la boulangerie
Proches d’hôtels classés cernant la viguerie.
Mes souvenirs sont là indicibles et présents,
Quand je revois émue l’insoumise Héloïse,
Les allers et venues des jeunes adolescents
Dans cette rue grouillante que la vie électrise.
Maintenant désertée cette artère a perdu
Son prestige d’antan, sa beauté de naguère
Et s’endort hébétée loin des fastes éphémères
Dans la décrépitude d’un naufrage éperdu.
Etrange paradoxe de voir le cœur mourir
Quand les faubourgs explosent vers un autre avenir.
ISABELLE
Quand les ans s’amoncellent
Le temps s’enfuit à tire d’ailes
Et devant cette stèle
Où je m’assois fidèle
Attendant qu’on me hèle
Souvent je t’interpelle
Comme une ombre irréelle
Qui au bleu du ciel se mêle.
Les souvenirs s’emmêlent
Dévidant pèle mêle
Au profond que l’on cèle
Ce que l’âme recèle
Distillant avec zèle
D’inutiles querelles
Impatientes étincelles
Du passé que l’on scelle.

JOUR D’ETE
Quand dans le ciel d’azur les oiseaux exaltés
Volent vers le soleil dessinant dans les nues
Un ballet incessant d’une étrange beauté
Faisant vibrer l’éther de concerts continus,
Quand la source coule au milieu des ajoncs
L’onde cristalline libère sa fraîcheur
Nourrissant le cresson ou frayent les goujons
Attirant insolents le vif martin pêcheur,
Quand la mare verdit, immobile abri
De nymphes et têtards sous le zéphyr ardent,
L’invisible renaît de ces eaux assombries
Et peuplera la nuit de mille bruits stridents,
Quand les ombres s’enfuient chassées par la clarté
Les criquets stridulent dans les blonds triticales
Monotones refrains berçant ce jour d’été
Où dans l’air suffocant volètent les cigales,
Quand mon corps assoupi réveille ma raison
Naissent les rêves fous flottant au firmament
Donnant à ces instants, bucoliques moments,
La douceur de l’espoir d’une belle saison,
Je profite heureux de la sérénité
De cet éden cuisant au calme ouaté.
J.M Jover 10/08/13
LAMPEDUSA
Sur ses flots déchaînés la mer roule les corps
Des pauvres naufragés dans les cales parqués
De vieux bateaux rouillés par des passeurs retors
Avides prédateurs de ces êtres embarqués
Vers leurs rêves fiévreux d’un monde de bonheur.
Aujourd’hui ils sont morts et le vent attristé
Vers l’ile espérée emporte leur clameur
Dans le chaos du soir des cargos dévastés.
Ils ont quitté leur sol vers un eldorado
Aux illusions perdues les yeux emplis d’espoirs
Ignorant dans le noir leur ultime credo
Unis, pêle-mêle, dans l’immonde dortoir.
L’éden est à deux pas mais le roulis mortel
Sous les assauts fatals des vagues agitées
A couché les bateaux pour un destin cruel
Des migrants entassés dans les soutes ventées.
Des silences des morts sourdent des cris d’effroi.
28/01/15
L’HISTRION
Naître con je le sais devient un privilège
Le devenir par goût traduit un sortilège
L’être sans le savoir un bémol de solfège.
Toi mon ami tu l’es sans concession aucune
Car tu n’as pas de gènes effaçant ces lacunes
Que souvent haut et fort tu exposes à la une.
Méfies toi cependant de celui qui sommeille
Et du sursaut nerveux du trop rapide éveil
Constatant inutile ton permanent conseil.
Ton dessein est si clair qu’ont lit dans tes pensées
Ce désir étouffé et ses sombres visées.
Le Judas est en toi et ta jaune risée
S’efforce d’effacer tant de souhaits cachés
Par ce goût outrancier à l’intrigue attaché
Que d’autres avant moi ont pu te reprocher.
Ainsi font les bouffons à tous les râteliers.
LE CHAT
Le chat noir étiré sur le fauteuil crapaud
Les yeux mi-clos ronronne les griffes rétractées,
La tête entre ses pattes, les canines saillantes,
Les oreilles en alerte, vigilant et paisible.
Il somnole épuisé encore tout penaud
Des griffures et morsures subies cette nuitée
Du chat du voisinage sauvage et malveillant
Châtré, mutilé, violent, incorrigible.
Ce matou égaré aux longs poils hérissés
Domine insolent ses frêles congénères
Qu’il poursuit agressif dans leur retranchement
Dans des combats douteux aux victoires amères.
Le jardin est spacieux et l’animal dressé
Sur son siège douillet au calme se régénère,
Attendant patiemment que s’offre le moment
Où enfin requinqué il vaincra le compère.
Mistigri trop petit devra attendre un peu
Pour chasser le félin importun en ce lieu
Qui dédaigneux le nargue tel un énergumène,
Belliqueux et sournois, indiscret et sans gêne.
LE COLLEY
Je rêve d’avenir en cette aube blafarde,
Entrevoyant le jour d’une pure clarté
Animant lentement le mont où il musarde
Navré de mettre fin à la nuit ouatée.
Montagnes et vallées vont découvrir l’été,
Ardentes et vivantes sous le pas des troupeaux
Repus et rassasiés, le ventre dilaté
Contents sur ces pacages réservés aux bestiaux.
Emmené sur l’adret par le berger futé
Le colley vagabonde surveillant, exalté,
Jovial et fort heureux, les moutons agités.
Obéissant au maître dans la sérénité
Vers les vertes pâtures, survolté, excité,
Ramène la brebis et l’agneau effrontés,
Résistants et têtus, épris de liberté.
LE SILENCE
De cette rosée si pure je voudrais m’enivrer
Pour sourire au soleil d’un éclat chaleureux
Qui darde plein d’ardeur sans jamais s’attarder
Ces lieux trop silencieux où l’homme vit heureux.
Les sentiers escarpés tracés par les troupeaux
S’éloignent des chalets et grimpent aux alpages
Empruntés cet été par les bergers sauvages
Robustes et résistants recouverts d’oripeaux
Rejoignant éreintés la vétuste cabane
Qui durant de longs mois dans la nuit solitaire
Va abriter leurs rêves bouillonnant sous leur crâne
Sur la couche infâme qui meuble leur repaire.
Au loin le pic dentu à la neige éternelle
Habillant d’un linceul ses ravines perdues
Se dresse immobile solide sentinelle
Surveillant imposant les vastes étendues.
Les ours tout engourdis ont quitté leur abri
Recherchant affamés de quoi les rassasier
Dans le brouillard épais sous un ciel assombri
Agressifs ou craintifs à l’instinct carnassier.
Les marmottes éveillées d’un naturel peureux
Joyeuses et excitées jouent sur le rocher.
Elles ont choisi l’adret aux éboulis pierreux
Pour filer prestement au terrier se cacher.
La horde famélique sous l’œil du patriarche
D’une meute de loups efflanqués et cruels
Attend l’instant propice où son génie farouche
Lui dictera l’endroit où traquer le cheptel.
Puis sous les pieds l’on foule en baissant les regards
Une vie minuscule de vraie diversité
D’un univers caché dans cette immensité
Qui des hommes pressés mérite les égards.
MEDITATION
Abandonner la vie c’est gommer son futur,
C’est quitter le bateau aux voiles déchirées
Quand la coque ballote avant de chavirer
Et que le vent violent secoue le corps impur.
Les images affluent d’un passé rameuté
Mêlant aux souvenirs l’instant intemporel
Préparant le couloir d’où partira l’appel
Vers la rive sacrée aux récifs tourmentés.
La conscience s’éteint quand tremble la lueur
Des flammes sur le mur attisant le délire
De celui qui soudain souffre et soupire
Dans un rêve amer sans larme ni sueur.
Quittant ce corps sans vie l’esprit s’est envolé
Jetant un regard noir sur la chair délaissée
Vers l’autre dimension au parcours étoilé
Franchissant libéré la rivière glacée.
Au-delà du néant l’inconnu me séduit
Exaltant sans cesse ma raison endormie
Quand je rêve le soir et m’éveille la nuit
Sans réponse donnée ni nulle accalmie.
MES GALOPINS
Ils sont assis en rond sur le sol du salon
Enserrant dans leurs bras le vénéré ballon
N’attendant que l’accord des parents attentifs
Pour libérer leur fougue insouciants et actifs.
Ils sont six solidaires prêts à franchir le seuil
Du havre familial converti en écueil
Dans l’espoir d’embraser cette vivacité
Le long des rues et places de leur belle cité.
Ils vivent à l’unisson en garde alternée
Emplissant de leurs cris l’étroite maisonnée
Qui résonne animée de cette joie d’aimer
Et de tant de bonheur qu’il leur faut exprimer.
Quatre garçons espiègles entourent leurs deux sœurs
D’une tendre affection, protecteurs et farceurs,
Dans le décor heureux d’une famille unie
Active colonie vivant en harmonie.
Le tendre Benjamin est devenu rétif
Maxime se consacre à son futur sportif
Thomas le blondinet est bien affectueux
Lucas le cérébral reste le plus anxieux
Océane rusée acère son caractère
Marina la cadette sans cesse vitupère.
Devant tous ces destins avides d’avenir
Il faut dés aujourd’hui forcer et soutenir
Les talents et faiblesses, apprendre à prévenir.
METAPHORE FLORALE
Quand on parle de roses
En vers ou bien en prose
Je me métamorphose
Pour défendre la chose.
Quand des bruits m’indisposent
Amer je m’interpose
En recherchant la cause
Des avis qui s’opposent.
Quand le fracas se pose,
Agressif ou morose,
J’évite la psychose
En sage virtuose.
Lorsque mes mains je pose
En ressentant l’osmose
Sur cette fleur éclose
Que la rosée arrose,
Un monde grandiose
Où le bonheur s’impose
Dans mes rêves s’expose
En vive apothéose
Confirmant ce que j’ose :
Ma passion pour... les roses.
MIRAGES et ILLUSIONS
Quand le soleil couchant rougeoie à l’horizon
Réveillant les lutins et autres farfadets
Je me mets à rêver en perdre la raison
De ce monde furtif aux avens insondés
Peuplé de mille bruits, d’arbres échevelés
Aux ombres affolées engourdies dans le froid
Ecoutant tremblotant le grand duc esseulé
Les yeux perçants fixés sur sa future proie
Attendant patiemment la profondeur du soir
Pour déployer ses ailes et s’enfuir dans le noir.
Le gnome endormi s’étire puissamment
Sous les rayons blafards d’une lune troublée
Par les nuages gris couvrant le firmament
Décrivant dans l’éther une valse endiablée.
La clairière s’égaie sous les rires joyeux
Des génies libérés de leurs geôles celées
Festoyant bienheureux dans leurs habits soyeux
Goûtant la liberté sous les cieux étoilés
Au rythme des tambours et des fifres de buis
Qui bercent en douceur la plus belle des nuits.
Ces délires troublants d’un univers discret
S’agitant sous nos pieds impose le secret
D’une douce folie aux rêves vaporeux
Délivrés nébuleux d’un tréfonds rigoureux.
ONDE VAGABONDE
Mon esprit bouillonne comme un ruisseau d’été
Impétueux oued quelques fois asséché
Espérant patiemment l’orage souhaité
Quand chantent les grillons sous les herbes cachés.
Je résiste parfois aux courants des ardeurs
Qui me poussent soumis vers le noir mystérieux
Où s’inscrit mon destin aux fragiles candeurs
Intangible futur banal ou chaleureux.
Les nuits freinent les jours, les rêves les désirs
Laissant aux imprévus le choix du lendemain
Sur la route tracée menant à l’avenir
Qu’il faut savoir saisir au détour du chemin.
Je regarde assis les flots effervescents
Caressant agités les rives engourdies
Aux ressacs écumeux d’un bruit étourdissant
Charriant agressifs les plantes affaiblies.
Dans son élan d’émoi le ru va s’effacer
Jusqu’à la pluie d’hiver qui le fera bruisser.
PLENITUDE
Vieillir ensemble c’est voir son passé dans les yeux de l’autre.
Alors……
Quand le soleil faiblit laissant place à la nuit,
Que tes forces déclinent et que l’esprit s’enfuit
Résiste indompté à la peur du déluge,
Garde au fond du cœur tes plus profonds désirs.
Malgré le rude choix de quitter ton refuge
Où dorment délaissés de précieux souvenirs,
Montre à la veillée ta franche bonhomie,
Résiste combatif aux douleurs ennemies.
Parle à tes amis des peurs évanouies,
Profite des moments en tout point inouïs
Avec ceux qui t’entourent dans la salle douillette
De ce lieu moelleux où tu vis ta retraite.
Vis, chante et ris sachant nous attendrir
En ces jeux théâtraux exprimant ton plaisir,
Efface ces tourments qui te font tant souffrir
En recouvrant serein cette soif d’avenir….
Donne à tes jours l’envie, les rêves à tes nuits,
Jouit donc de l’instant contre le temps qui fuit…..
PRINTEMPS
Les lents roulements
Des tambours de l’amour
Palpitent et s’agitent
Dans mes veines trop pleines
D’un miel vermeil.
J’entends le printemps
Dans la nature pure
Où sont les buissons
Les myrtes et les menthes
Les oiseaux bien beaux
Les renards fouinards
La rivière claire
Dans des gerbes d’herbe
Semble courir.
Au pied des montagnes
Le ciel si bleu
Comme un mirage
Semble mourir.
Assis dans le bois qu’on foule
Je me sens souffrir.
Mais que la vie s’écoule
Je ne veux point moisir.
Urgences et Promiscuité
Brouillard dans la nuit
Un cri trouant la nuit, une onomatopée,
Un songe réveillé, cruelle mélopée,
Une pauvre mamée d’un asile échappée
Oubliant sa pudeur dans sa blouse drapée.
Un vieillard isolé hurlant son désespoir,
Immobile statue posée dans le couloir
Fixant ses souvenirs effaçant le présent
L’œil exorbité apparemment absent.
Et pendant ce temps là j’attends impatiemment
Froidement agité que vienne le moment
Ou le sac sur le dos je quitterai ce lieu
Abandonnant ainsi ce mystérieux milieu.
RASTOKE
Quand la clameur des flots monte de l’abîme
Aux profondes noirceurs insondables avens
Sculptés dans le rocher que le courant anime,
Cascades éthérées chutant du fier ravin,
Les moulins impatients moulent le grain doré
Sous la meule de grès inlassable pilon
De mouture blanchie finement décorée
Emplissant grassement les sacs de jute blonds.
Et sous le pont branlant coule le ruisseau
Aux reflets irisés courant sur les galets
S’engouffrant libéré dans un bruissant sursaut
Poursuivant son chemin en étranges ballets.
Dans les boyaux étroits le ressac cristallin
Creuse inlassable le calcaire battu
Par la force des crues descendant d’Ogulin
Quand la neige se perd sur les versants pentus.
Requiem
Nos souvenirs communs un jour s’en sont allés
Arrachés lâchement par une nuit d’hiver
Quand la bise gelée remonte les vallées
Et que la fin de vie interrompt le calvaire.
Si le temps s’est enfuit, métronome muet,
Les pas dans le chemin à jamais effacés
Témoins de nos plaisirs et de nos vains regrets
Sont à jamais gravés dans nos cœurs angoissés.
C’est une aube blafarde qui sur ton corps glacé
Dépose un rayon en ultime rictus,
Mêlant à cet adieu de mon âme blessée
Les tumultes aigris flottant sur le patus.
Les regards sont fixés sur le cercueil ciré
Nimbé dans le brouillard sortant de l’encensoir
Que le prêtre secoue pieusement inspiré
Rappelant que la mort doit imposer l’espoir.
Ce 04/02/14 “Il reste toujours un peu de parfum à la main qui donne des roses.” Confucius
RESURGENCES
Le soleil qui flamboie réchauffe les galets
Où nos rêves brûlés aujourd’hui effacés
Valsaient dans l’air du soir en étranges ballets
Emportés fugitifs vers nos espoirs froissés.
De rochers en rochers le fleuve suit son cours
Immuable parcours aux souvenirs d’amours
Où le bijou doré repose au fond du gourg
Dans son écrin rocheux enfoui pour toujours.
Renaissant du passé en flots reviviscents
La mémoire figée réveille les secrets
De ce bonheur naissant de vifs adolescents
Découvrant la passion en ces lieux si discrets.
Les arbres ont grandi le chemin s’est tracé
Le calcaire rongé aux deux cœurs enlacés
Ravive ces instants de douceur partagée
Quand flottent dans l’éther nos rêves imagés.
07/02/13
PARTAGE
Ils ont les cheveux blancs et bien des choses à dire
Sur ce qu’ils ont vécu sans jamais rien maudire
Malgré les jours sans pain longs comme le carême
Quand les soirs de festin grillait la plate brême.
Le fier éphèbe glabre au visage pâlot
Surveille attentif le petit angelot
Frémissant sur ses jambes aux grands pas hésitants
Laissant à ses parents de savoureux instants.
Le grand père excité par le pousse café
A posé sa casquette, le chef ébouriffé,
Racontant cette guerre qu’il a cent fois refait
Le verre à la main, le maintien imparfait.
L’aïeule encore alerte berce le nouveau né
Le visage angélique au front parcheminé
Heureuse de couver sous son aile précieuse
La cadette peureuse à la bouille gracieuse.
Les marmots écarlates se sont assis en rond
Sous le regard sévère du père furibond
Veillant sur la marmaille ivre de liberté
Composant sa famille, son unique fierté.
Devant tant de bonheur aujourd’hui partagé
Dans la douce quiétude d’un moment protégé
Renforçons ces liens nécessaires au plaisir
De rencontres heureuses qu’il faut savoir saisir.
Unissons nos passions pour atteindre le but,
Agissons de concert tendus tout azimut
Pour créer enchantés l’humaine relation
Favorisant l’échange inter génération.
Suscitons attendris de folles vocations
Qui demain effrayées sous les acclamations
Rougiront du plaisir d’avoir participé
A l’élan collectif touchant et dissipé.
Sur la scène obscure les spots vont s’allumer,
Les acteurs enchanteurs se mettre à déclamer,
Les décors s’agiter d’une vie déchaînée,
Les trois coups libérant une joie réfrénée.
Cheveux blancs, mèches blondes sont unies gentiment
Sur les planches d’un soir pour notre amusement
Devant le rideau rouge s’ouvrant aux spectateurs.
Impatiente et fébrile la troupe d’amateurs
Crée pour vous divertir cette semaine bleue,
Un instant radieux aux joies inoubliables.
SOLITAIRE
Le solstice d’hiver a prolongé la nuit
Plongeant dans le soir sous son ombre pesante
La ville endormie recouverte d’ennui
Attendant sagement l’aube apaisante.
Les décors ont fleuri en guirlandes bleutées
Les sapins sont parés d’ornements colorés
Les rues illuminées encore désertées
Frissonnent dans le froid aux griffes acérées.
Sur la place glacée allongé sur le sol,
Couvert de sacs souillés et de cartons mouillés
Un homme esseulé s’est noyé dans l’alcool
Effaçant dans l’excès ses rêves oubliés.
Son demain est tracé sur le triste pavé,
Endormi à jamais solitaire clochard
On le retrouvera sur sa couche lové
Dans la rue isolée anonyme pochard.
La cloche sonne aux tours de Carcassonne……
Gaston est mort de froid sans froisser personne……
11/12/08
VISION FUNEBRE
Quand mes yeux grands ouverts fixeront le néant
Dans un grand linceul noir mon corps reposera
Donnant à ce présent la couleur du passé
A jamais effacé par le temps et l’oubli.
Les flammes danseront dans le foyer brûlant
Dont la vive chaleur avide embrasera
Le funèbre ornement fraîchement repassé
Pour rayer pour toujours une vie bien remplie.
L’urne de vernis vert dans un grand trou béant
Au milieu des cercueils, seule se dressera,
Vestige minéral dans un monde glacé
De mes cendres figées entièrement emplie.
“Quand on ne sait pas ce qu’est la vie, comment pourrait-on savoir ce qu’est la mort ?”
Confucius
YVETTE
Un cœur battant chamade, plus gros que son cerveau,
Une foi d’airain sans faille dans un chœur de dévots,
Une langue acérée cause de tous ses maux
Alignant volubile une litanie de mots
Distillant anecdotes et bévues de bigots
Dans un flot de paroles en éternel écho.
Elle cède souvent à ses nombreux caprices
Toujours émerveillée par tous ces artifices
Que lui offrent gratis d’attirants catalogues.
Passionnée des granules et vraie pharmacologue
Elle prescrit toujours en homéopathie
Le remède efficace soignant son empathie.
Précédée par son chien, quadrupède éclaireur,
Elle arpente la place, étrange promeneur,
Recherchant la fraîcheur sous la lueur lunaire
Et les rais de lumière des faibles lampadaires
Dont le halo blafard donne à son regard
Un air fantastique dans le pâle brouillard.
Un grand jardin discret derrière le presbytère
Abrite des secrets, véritables mystères
D’une plante sauvage qui seule prolifère
En cet enclos prospère aux récoltes amères.
Et l’on peut voir la nuit sous le ciel étoilé
Yvette auréolée semer des granulés,
Epiée, surveillée par l’active douane
L’œil rivé au carreau, curieuse et mythomane,
Faisant fi des on dit
Et de leur perfidie
Guignant le paradis
Bravant les interdits
.
RESONANCE
Mots fous virevoltant au gré d’une passion
Que le rêve relève en étrange tension
Sur les flots vaporeux du lugubre canal
Où glisse le chaland éclairant le chenal.
Le verbe en verve chante à l’unisson,
Le vers musical vibre secoué par le son,
La rime cadencée aux allitérations
Rythme et se répand en folle invitation.
De Charybde en Scylla la douce mélopée
Entraîne mon esprit de brume enveloppé
Vers les fatals écueils de l’île des effrois
Aux sirènes charmées par de nouvelles proies.
Quand mon corps ballotté par les eaux courroucées
De brisants en récifs aux arêtes glacées,
Ma muse effrontée affronte mon mépris
Du voile matinal de mon ego aigri.
PLEURE-MISERE
Dans son capharnaüm, insociable rêveur
Assis auprès du feu, triste, abandonné,
Libérant sa folie et sa fière ferveur,
Il attend patiemment que son temps soit sonné.
Il se croyait puissant, il finit misérable
Dans sa grise maison à moitié délabrée
Masquée par le figuier atteignant la chambrée
Dont le mur gangréné branle incurable.
Fesse-mathieu grigou aveuglé par l’extrait
De comptes et sicav en euros libellés
De titres et livrets en banque recélés
Il note tous les jours et rêve d’intérêt.
Mais tel l’avare nu il brûlera le fruit
Chichement amassé, inutile trésor
Quand l’âge le vaincra le plongeant dans la nuit
Le corps enveloppé dans l’ultime drap d’or.
A…GILE GILLES
Attiré par le sud et ses riches envies
Il a quitté Carmaux vers sa nouvelle vie
Son rêve assouvi et son ego ravi
Il assure serein le sort de la régie.
Très fier de son métier il maîtrise son art,
Dirigeant efficient jouant avec les arcs,
Dangereux et puissants, quelques fois imprévus,
Dont la soudaineté vous fait perdre la vue.
Il assure constant le service des eaux
Et prépare soucieux le projet ambitieux
Qui d’un profond ravin délivrera les flots
De la Combe rendant son trésor fabuleux
Il a vaincu l’effroi d’une vieille station
En onde limpide changeant le glauque ru,
Livrant aux bactéries le cloaque en décrue
Supprimant de ce fait les boues en suspension.
Entouré de sa mie et de ses deux poupées,
Ses rêves les plus fous il a su les combler
D’un bolide gonflé et d’une belle Harley
Avant que de tenter la folle épopée
Au sein de ce conseil aux nuances mêlées
Provocante candeur du novice emballé.
REVERENCE
Comme le fruit trop mûr s’écrase sur le sol
Libérant un noyau augurant son futur
Son esprit vagabond s’enfuit dans son envol
Abandonnant ce corps en un sursaut obscur…..
Le croyant détaché convoite l’au-delà,
L’agnostique choqué pleure son compère,
La foule malheureuse venue du Ségala
S’incline longuement, prie et désespère…..
Les souvenirs anciens renaissent circonspects
Entremêlant amers des images ravies
Quand le bonheur chantait sous le noyer épais
Dont l’ombre glacée aiguisait nos envies.
Devant mon crème
L’aube se lève
Sur un jour blême
Aux heures brèves.
Au loin s’élève
Vers les ténèbres
La fin d’un rêve
Au glas funèbre.
Ce jour 27/10/2015 en souvenir de mon ami Momon la ┼
VIGILANCE
Nos tout premiers émois en nos corps palpitent
Quand le soleil d’été caresse langoureux
La peau douce brunie des touristes allongées
Sur le sable doré des plages engourdies.
Sous les chapeaux paillés les idées crépitent
Et les rêves émus de leurs sens amoureux
Envahissent l’esprit de formes imagées
Exacerbant l’envie d’un nouvel incendie.
Les rayons de soleil au zénith excitent
Ces chairs surexposées d‘un rouge douloureux
Calcinant patiemment sous le vif apogée
Qui du haut du ciel bleu chaleureux irradie
Les naevus sensibles que les uv irritent,
Mélanomes discrets, insidieux, dangereux
Bruns ou achromiques, trop souvent négligés,
Provoquent agressifs la triste maladie
Sournoise perfidie
Des rayons de midi.
La prudence ne prévient pas tous les malheurs mais le défaut de prudence ne manque jamais de les attirer.
(Jean Jacques de Lingrée)
SEPULTURES
Les cyprès effilés s’élancent vers le ciel
En ce lieu triste et gris d’un froid marmoréen.
Les tombeaux alignés en rigides rangées
Ont absorbé la vie pour un profond sommeil
Où se croisent invisibles, dilemme kafkaïen,
Les croyants et païens en quête d’hypogées.
Rue de l’égalité est le nom consacré
A cet étroit sentier qui monte vers les cimes
Creusé dans le rocher, profondément ancré,
Surplombant la vallée et ses abrupts abîmes.
La sombre nécropole est peuplée d’anonymes,
Illustres inconnus dont seuls les patronymes
Sont gravés à jamais sur ces pierres tombales
Recouvertes de mousse et de poteries pâles.
Le lourd silence pieux troublé par les bourrasques
D’un vent aigre et violent secouant les grands arbres
Nous emporte légers vers nos destins fantasques
Et nous guide aveugles vers nos geôles de marbres
Aux couleurs flamboyantes sous le grain abrasées,
Ultimes asiles clos de nos âmes brisées.
Les cyprès effilés s’élancent vers le ciel
S’approchant du zénith où brille le soleil
Chevauchant immobiles la campagne en éveil
Dont les fières nuances imitent l’arc en ciel.
Une société se doit d’être fière de sa diversité ……
SEGREGATION
Tout enfant j’ai connu la froideur des bourgeois
Assis sur leur dédain face aux pauvres aux abois
Exploitant sans pitié le flot des miséreux
Bousculés par leur vie de tristes culs-terreux.
Mosaïque patchwork, beurs, blancs, jaunes ou gris
Le monde composé n’est pas du tout aigri
Malgré l’hostilité de ceux des bien-pensants
Qui du haut de leur fric demeurent menaçants.
Jeunes désabusés, vieux dans la misère
Vivent un fol destin source de colère
Et sentent tristement leur morose futur
Basculer lentement en avenir obscur,
Et quand ils prient leur Dieu ils ont les mêmes mots
Espérant le pardon de gestes idiots
Envers le flot palot des traditionalistes
Fidèles à leur foi de fielleux extrémistes.
Un regard appuyé envers l’handicapé
Qui sur son chariot sur la voie escarpée
Souffre et se débat pour atteindre la butte
Evitant les écueils et le danger de chute.
Quand les gays maquillés juchés sur leurs talons
Troublant les hétéros jouant les étalons
Avides de passions aux rigides pulsions
Dansent ébouriffés au son des percussions…
La différence n’est pas l’indifférence
Privilège des cons, inertes, hésitants,
Certains de leur bon sens malgré leur inconscience,
Acerbes, indécis, un brin déconcertants.
SACERDOCE
Satisfaire les uns, encourager les autres,
Devenir diplomate en calmant son ardeur.
Réfréner ses colères en restant bon apôtre
Nécessite, je sais, éternelle candeur
Le pouvoir est un leurre qui satisfait les fats,
L’exercer est un art éloigné des vivats,
Un pur apostolat au service d’ingrats
Qui trop souvent deviennent de vrais indélicats.
La versatilité de cet électorat
Difficile à cerner me pousse à ce constat,
Préjugeant de ce fait le futur résultat,
Conclusion incessante d’une fin de mandat.
Âpre, rude, rugueux, véritable combat
Inutile et stérile fait de mille débats
Qui s’ouvre grandement aux nouveaux candidats,
Annonçant la campagne aux airs de pugilat.
Comme la mouche bleue attirée par l’appât,
Les frères ennemis rêvent d’assassinat,
De victoires amères et de gloire éphémère,
Promettant au quidam l’entrée d’une nouvelle ère……
Vanité des vanités, tout est vanité.
27/10/2012
GAUDRIOLES
Sous le soleil d’automne dans son caraco noir
Elle remplit mes rêves de songes imagés
Qui du tréfonds de l’âme secouent mon désespoir
D’atteindre dans ses bras des plaisirs partagés.
Un mirage m’enrage dans un décor d’orage
Où les sens éveillés s’envolent exaspérés
Vers un réveil fébrile semblable à un naufrage
Abandonnant l’écume des délires éthérés.
Phantasme étonnant d’un sommeil agité
Dans ce grand lit défait aux vieux draps colorés
Chargés des doux parfums d’intense volupté
Signes impérissables de geste égarés.
Et quand je l’aperçois asservie et gracile
Mes désirs versatiles remontent en surface
Dans le silence lourd d’une vision fragile
De ce corps désiré d’une indocile grâce.
Et son sage corsage boutons épanouis
Laisse entrevoir ses seins au galbe fascinant
Recouverts de satin aux damas inouïs
Affriolants dessous d’un attrait lancinant.
Sur ses bras découverts le hale de l’été
A mordoré la peau de traces indélébiles
Lui donnant cet aspect de trouble velouté
A portée de mes mains ardentes et malhabiles.
Un pantalon de jean enserrant bien sa taille
Souligne le pourtour de parfaites cambrures
Que mon regard curieux avec envie détaille
Suggérant indécent l’éternelle luxure.
Quand l’illusion gâchée en des rêves futiles
S’égare et puis se perd en des scènes frivoles,
Ensemble mettons fin aux prémisses inutiles,
Recherchons cette extase en folles cabrioles.
L’INSERT
Je suis l’être assis devant l’âtre où brûle l’hêtre
Attendant l’autre dans l’antre noir de mon mal-être.
Mes pensées vagabondent voguent et virevoltent
Avec vigueur elles valsent violentes et véhémentes
Au rythme des volutes des flammèches ardentes
Qui dansent animées tremblantes et désinvoltes.
La suie noire obscurcit la vitre que j’essuie
Effaçant sans façon l’esprit qui me poursuit
Dans un enfer de feu et d’ivresses brûlantes
Aux braises rougissantes et aux lèvres galantes.
SOLITUDE
Le brouillard ouaté écrase la vallée,
Efface la forêt et transforme la nuit
Donnant à chaque haie une inquiétante vie
Animé par les cris du grand duc affairé.
La hulotte chassée reprend son envolée,
Les ailes déployées vers le néant s’enfuit
Ressentant affolée un instinct de survie
Devant le prédateur par la faim attiré.
Devant l’âtre brûlant mon âme refoulée
Dans un sursaut d’orgueil résiste à l’ennui
Flotte dans l’univers en illusion ravie
Et tournoie fascinée par l’astre éclairé.
Les flammes qui rougeoient en ombres affolées
Eclairent en tremblant les murs blancs du réduit
Quand danse dans le soir ma folie assouvie
Fantastique vision de l’havre désiré.
20/11/10
DEVOTION
Dis- moi toi qui croyais tu as passé le gué
Quand ton cœur fatigué a cessé d’irriguer
Ton corps épuisé par l’amour prodigué
Sachant à tous les temps sans faute conjuguer
Ton verbe préféré qui fut le verbe aimer.
Tu as semé le grain qui demain va germer.
Dis- moi toi qui croyais tu as passé le gué
Respectant cet espoir maintes fois allégué
Oubliant ton supplice au diable relégué
Pardonnant sans tristesse à ceux qui t’ont nargué
Et dans l’adversité sachant te sublimer.
Tu as semé le grain qui demain va germer.
Dis- moi toi qui croyais tu as passé le gué
Et la mort qui rôdait contre toi s’est liguée
Me laissant tout pantois encore subjugué
Par l’amour radieux que Dieu t’avait légué
Et que tu répandais ravie de proclamer.
Tu as semé le grain qui demain va germer.
Dans ton cercueil de rouvre au satin damassé
Tu reposes apaisée le visage émacié
Soumise aux regards d’un public empressé
Voulant par sa présence prouver son amitié
Ignorant insensible que hier il t’a blâmé.
Tu as semé le grain qui demain va germer.
FROIDURE
L’herbe a disparu sous les flocons neigeux
Dansant dans le ciel gris légers et cotonneux
Dans un matin d’automne à la triste pâleur
Dont la folle venue absorbe les couleurs
De ces hautes futaies aux feuilles rougissantes
Fantômes dans le soir, ombres frémissantes.
En ces premiers frissons quand le corps se replie
Redoutant ces douleurs que le froid multiplie
La nature prévoit et entre en léthargie
Hibernant engourdie, préservant l’énergie
Source de sa survie en ces lieux indomptés
Où le rude climat doit être supporté.
Chacun doit retrouver la chaleur du foyer
Fermant à double tour la porte de noyer
Aux chagrins hivernaux et leurs sombres effets
Accumulant discrets les souvenirs défaits.
Le soleil est en deuil noircissant ma raison
Qui gémit et honnit cette morne saison
Aux longues nuits sans fin hantées de souvenirs
Mêlant mélancolie aux songes d’avenir.
SONGES
Accourir sur la grève frappée par le ressac,
Marcher la tête vide les pieds nus dans le sable,
Oublier sans micmac, sans le fric ni le trac
Un monde misérable où tout est périssable
Régit par le profit à l’odeur méprisable.
Honnir ces fondements aux angles délités,
Unir dans un effort aux effets politiques
Manuels aux lourds doigts d’or, travailleurs éreintés
Avares de savoir et d’espoirs pathétiques,
Intellectuels aux propos hermétiques,
Nantis anéantis par tant de polémiques.
Propager des idées solides et courageuses,
Approuver le désir d’un profond changement,
Rendre à chacun des heures plus heureuses
Traduire dans les faits le bouleversement
Attendu par l’armée de tous ceux qui galèrent
Gravement malmenés qui jusqu’ici tolèrent
Préparant silencieux une vive colère.
SURSAUTS…
La lune laiteuse dans le jour qui s’éteint
Eclaire tristement le quartier qui s’endort
Assombrissant le ciel vers le prochain matin
Oubliant sans regret le profond corridor
Quand vacillent les morts et chancellent les vies
Sous le fatal destin d’espoirs inassouvis.
Le silence pesant flotte dans mes rêves
Décrivant dans le soir les souffrances passées
Habitant mon esprit de cette terreur brève
Inquiétante folie aux larmes angoissées
Quand vacillent les morts et chancellent les vies
Sous le fatal destin d’espoirs inassouvis.
Les souvenirs heureux aujourd’hui disparus
Sont à jamais perdus effacés par l’oubli
Dans mes songes amers aux sanglots rugissants
Bruissant sur ce lit blanc ou mon corps s’affaiblit
Quand vacillent les morts et chancellent les vies
Sous le fatal destin d’espoirs inassouvis.
PANEGYRIQUE
Sous mes pas imprégnés de la boue du sentier
Dansent à travers champs les souvenirs mêlés
Egrenés sous la haie ou fleurit l’églantier
Dans le brouillard du soir aux souffrances celées.
Aujourd’hui effacée l’ombre s’envole au vent
Faisant frémir le bois où s’affolent les proies
Quand le soleil d’été réchauffe les vivants
Qui dans leurs rêves fous sont effarés d’effroi.
La ferme isolée endormie dans le noir
Tremble et palpite sous le ciel émaillé
Où filent des novas scintillant dans le soir
Me rappelant amer l’hôte dépenaillé.
Ces lieux inhabités aujourd’hui désertés
Hantés de mille bruits et de photos jaunis
Recèlent poussiéreux une ultime fierté
Et résonnent toujours de mille litanies.
Ami repose en paix….
Dans ce triste gourbi
Tu as vécu ta vie…..

FRATERNITE
Quand vibre le parvis de mille fantaisies
Le théâtre endormi reprend goût à la vie.
Pleine de bruissements et douces frénésies
La scène occupée par la troupe ravie
S’anime sous les cris des acteurs ébahis
Voyant sereinement les sièges envahis.
Du haut de son perchoir chargé de la régie
Le factotum ami règle la chorégie.
Les trois coups sont frappés annonçant le défi
Et embrouillaminis d’un vivant rififi.
Humaine tragédie d’un monde désuni
D’insensible froideur envers le démuni.
La solidarité s’enfuit, la solitude s’enfle, les misères se cachent, la société se délite…faut-il à cause de cela douter de l’avenir de l’homme ?...non !
Car vivre sans espoir c’est cesser d’exister.
KARMA
Quand le souffle s’éteint dans un râle glacé
Comme la vague meurt sur la grève pentue
S’en va le souvenir à jamais effacé
De ce que fût jadis cet être abattu.
De kyrielles d’éclats couvrant le firmament
Le jour s’évanouit laissant place à la nuit
Où les âmes esseulées, véritables diamants,
Bondissent dans le ciel maudissant leur ennui.
Frêle chrysalide quittant ce corps blessé
L’aura s’est envolée fidèle à son karma
Préparant son futur de ses actes passés
Relisant inconscient le long diaporama
De ces multiples vies, éphémères parcours
Parsemés de douleurs, de rires et de joies
Qui demain compteront pour un nouveau séjour
En nymphe éthérée toujours de bon aloi.
L’OUBLI
L’antre aux murs noircis d’un horrible taudis
Répand les souvenirs d’un être démuni
Abandonnant au vent l’étrange litanie
Caressant tristement l’âtre refroidi……
Le temps s’est écoulé effaçant le passé
Figé inénarrable sur des feuilles jaunies
Déchirées par l’ennui sur le ciment glacé
Où courent désormais des songes évanouis.
Le silence pesant embrume mon esprit
D’où s’échappent parfois des cris ensorcelants
Rappelant qu’autrefois le malheur du mépris
Dans ce coin oublieux a brisé mes élans.
Puis une nuit d’été les étoiles ont pâli
Tandis que s’endormait la masure vieillie
Pour un sommeil profond d’un éternel oubli
Alors qu’au loin sonné un vibrant hallali
DELIRES
Mon cœur est un soleil qui fait pleuvoir la vie,
La tempête, la haine, l’amour, la nostalgie.
Mon cœur est un abîme froid, profond, amer,
Une rivière ardente ou nage des caillots
Dont le rouge tumulte ressemble à des sanglots.
La graine que l’on sème a besoin de chaleur.
Pareil le sentiment qui doit s’épanouir
Dans un terrain propice où puiser sa saveur,
Eclater, s’étaler, éclairer et puis s’évanouir.
Semblable à un diamant aux multiples facettes
Qui renvoie les rayons chargés de ses couleurs,
On ne rend à chacun qu’un peu de ce qu’il perd
Et parfois, quand on veut réchauffer sa fraîcheur,
Le temps, la raison, l’interdit nous arrêtent.
Chaque empreinte est unique et demeure figée,
Chaque instant a ses joies, ses larmes ou ses sourires.
Nous vivons au présent, pensant à l’avenir, oubliant le passé
Qui tristement pourtant nous pousse à ce délire.
COMPLICE
Suscitant le combat menant aux funérailles
Ton supplice fut long meurtrissant tes entrailles,
Quand seul, tonitruant face à tes camarades,
Tu lançais des défis en brèves algarades.
Est-ce par ironie promouvant ta sortie
Que lassé de tes pleurs tu as clos la partie
Le jour ou tes amis, vertueux socialistes,
Ont tenté de sauver leurs choix idéalistes.
Etrange désarroi d’un corps frappé d’effroi
La peur de ce trépas t’a redonné la foi.
Hâve, tu reposes, loin du terroir natal,
En fidèle soldat face à l’assaut fatal,
Poussière d’étoile ballotée par les vents
Tu hisses la misaine et vogue calmement
Sur les flots agités menant au firmament,
Abandonnant le port et ses sables mouvants.
En larmes j’ai cueilli dans mon jardin secret
La rose sauvage au parfum éternel
Exhalant son odeur et son charme discret
Vers mon âme assombrie du trouble fraternel.
Sous le zéphyr brûlant tel un éclair bruyant
S’envole éthéré un ami flamboyant
Mêlant au bleu du ciel la cendre envolée
De l’urne conservée en triste mausolée.
Adieu Félix, je t’aimais bien tu sais ! …
01/10/09

CREPUSCULE
Le soleil qui s’éteint dans un grand rougeoiement
Va peupler l’univers de milliers d’étincelles.
Les effraies affamées vont déployer leurs ailes
Et la nuit s’agiter d’un froid susurrement.
La vallée se blottit derrière les clôtures,
Etend sur les buissons sa noire couverture,
Puis s’endort, lentement, bercée par les grands vents
Qui des monts et des bois descendent vers la plaine
Chargés de mille bruits, répandant leur haleine
En liant l’irréel au monde des vivants.
Au loin les chiens aboient agitant leurs grelots
Humant dans l’air du soir l’odeur du cheminot.
Le hameau endormi placide dans le noir
Abrite dans ses murs les rêves pastoraux
D’amours fous et naissants de jeunes pastoureaux
Benoîts et souriants, accrochés au terroir
Car dés potron-minet il faudra s’étirer
Et réprimer les cris du troupeau apeuré.
CAMILLE
Quand les souffrances d’hier aujourd’hui effacées
Se transforment en joies sous les traits d’un enfant
Le rêve se déploie dans nos bras enlacés
Donnant vie au futur d’un bonheur triomphant.
Instant d’éternité que ce lien du sang
Quand les cris du bébé découvrant son décor
Marquent à tout jamais le corps convalescent
Prouvant par leur ardeur un prochain désaccord.
Allongée sur le dos dans son grand lit douillet
Un rayon de soleil jouant sur son coussin
Elle ouvre ses beaux yeux par les larmes mouillés
Implorant sa maman de lui tendre son sein.
30/11/2015
SOUVENIRS
Le village endormi dans sa douce quiétude
Regarde le Lagast et ses plus hauts plateaux
Où les gens rudes et pieux vivent dans l’habitude
Et où les pâtres heureux animent leurs flûteaux.
La vue au loin s’étire sur les vallées profondes
Peuplées de mille bruits et de riches secrets
Que seules ont pu percer nos âmes vagabondes
Dirigées en ces lieux par des signes discrets.
Sur la grand place vide un couple vit heureux
Au rythme des saisons dans l’univers pierreux
Qui fut toujours je crois celui de leur jeunesse
Et où jadis s’aimant se promirent tendresse.
A l’ombre du clocher ils ont vécu leur âge
Dans le bien dur labeur des champs et des herbages.
Cinquante ans sont passés et les misères aussi.
Il ont tout entrepris et puis tout réussi.
Le visage émacié, le père Séverin
A tiré de l’étable des tonnes de purin,
A remué cent fois ses dix arpents fertiles,
A chauffé éreinté mille locomobiles,
A marqué de ses pas, servile préposé,
Les longs sentiers boueux qui mènent au village,
Buvant ici où là un bon coup de rosé
Pour repartir heureux plein d’allant et courage,
De Laubigue à Saint Cirq, de Fabrègues à Rullac
Porter le lourd courrier aux hameaux esseulés
Et revenir le soir, les cieux tout constellés,
Les jambes fatiguées mais vide l’havresac.
Et pendant ce temps là, Berthe au grand cœur
En attendant le soir préparait ses conserves,
S’agitant et courant, discourant avec verve
De sa vie difficile sans haine ni rancœur.
Le soleil rougeoie au dessus des grands arbres,
Le crépuscule gris recouvre Combenègre
Epaississant les ombres d’un froid frisson de marbre,
Le silence s’installe sous la bise trop aigre
La vie lasse s’enfuit vers d’autres souvenirs.
CENOBITES
Au cœur de la vallée où coule le Verdus
Se blottit Saint Guilhem à l’ombre du château
Abritant l’abbaye d’où monte l’orémus
S’élevant vers les cieux en vibrant allegretto.
Territoire sacré fier de ses légendes
Où le temps s’est figé dans une éternité
Quand moines extasiés vivaient de leurs prébende
Fervents et dévoués faisant la charité.
Les sabots des chevaux ont tracé les chemins
Vers ce havre de paix, vrai fief de Wittiza
Dont la vie est contée au fil des parchemins
Pieusement conservés dans des alcarazas.
Le pèlerin brisé dans ce désert pierreux
Découvre ébahi la combe féconde
Et le cloitre béni aux ascètes heureux,
Charitables convers que le soleil inonde.
Gardiens énamourés des reliques sacrées
Ils veillent bienheureux sur le trésor caché
Dans le coffret serti de parures nacrées
Où l’objet vénéré dans la moire est fiché.
Sur ce fragment de bois INRI y fut tracé
Rendant à cette croix son mystère passé
Mêlant au souvenir l’Ermite et l’épée
Quand retentit la nuit l’étrange épopée
Du preux bénédictin père de Gellone.
Par les Maures vaincu il dompta Barcelone,
Se consacra à Dieu pour un dernier combat
Au lit voluptueux choisissant le grabat,
De cirques en vallons plane l’esprit des lieux
D’un passé religieux au présent oublieux
Recouvrant silencieux les taillis et les bois
Où se cache toujours les âmes aux abois.
CONCUPISCENCE
Brève apparition d’un halo conquérant
Une étrange beauté au déhanché matois,
Met le feu au désir et me laisse pantois
Surpris par cet éclat aux contours dévorants,
Belle étrangeté d’un élégant élan
Donnant à cet instant la fluidité du temps
Quand souffle la douceur d’un vaporeux printemps
Le regard attardé sur son corps affolant.
Sous des lèvres charnues au dessin attirant
Le sourire éclatant égaye son minois
Le mascara fondant sur des yeux noirs sournois
Dessine dans le soir son regard envoûtant.
Douce réalité ou rêve dévorant
D’une nuit agitée au doux réveil narquois
Quand Cupidon bondit secouant son carquois
Et qu’un parfum subtil flotte attirant
Dans mes vieux draps froissés
Par le temps effacé.…
DECLARATION
Je suis parti sans haine vers d’autres destinées
Saisit par la froideur de ton indifférence,
Cette désespérance aux projets d’hyménées,
Occasion singulière de tirer révérence
Pour retrouver léger ma pleine liberté,
Te redonne je sais ardeur et volonté.
Faire le choix subtil d’un tout nouvel essor,
Savoir tourner la page et changer ce décor
Que l’inconscient éveille à la réalité.
Je conçois que l’amour n’est que subtilité,
Ferment léger et doux d’une passion heureuse
Et d’une main tendue puissante et généreuse.
LE PAIDOL
Sur le plateau tranquille coule un petit ru
Abritant sous ses pierres de belles écrevisses,
Spécimens autochtones qu’on a crus disparus
Ventre bleu, pattes grêles et imposantes pinces,
Dans un Counhil limpide que l’arbre mort obstrue,
Reculant agitées sous la boue protectrice
Pour atteindre la proie prestement apparue
Apparaissant ainsi solide prédatrice.
L’eau vive cristalline s’enfuit vers la vallée
Creusant doucement des gorges isolées
Entourées de parois abruptes et désertées,
Couvertes de bruyères et de ronces indomptées.
Le clapotis gémit prononçant son murmure
Chargé de mille bruits, de rêves et d’aventures
Tandis que l’onde claire traversant les pâtures
Poursuit son long chemin jusqu’à son embouchure.
J’ai parcouru cent fois le sentier enlacé
Ressentant frissonnant une lourde présence
Soulevant scrupuleux la balance grouillante,
Rejetant dans le seau le divin crustacé
Plongé dans l’eau glacée, attentif au silence,
Poursuivant cette pêche jusqu’à la nuit tombante
Quand les arbres élancés redeviennent des êtres
Noyés dans le brouillard de ces sites champêtres.
L’aven insondable enfle le tumulte des flots
Qui plongent, vaporeux, dans le cirque sauvage
Et tombent en cascades semblables à des sanglots
Des rochers de Grascazes au sable du rivage.
Et l’on raconte ainsi que par violente pluie
Des cloches de La Selve déposées en ces lieux
Par les croyants contrits redoutant les ennuis,
Résonne en ce gour le bourdon très précieux
Des clapotis laiteux de l’abîme profond
S’élèvent harmonieux de l’inquiétant siphon
Quand surgissent la nuit lutins et farfadets
Ranimés dans le soir par de vifs feux follets.

TRISTE SAISON
La campagne s’endort dans son manteau froissé
Alors que les sapins parés de purs diamants
Immobiles géants dans cet enfer glacé
Grelottent dans le soir oubliant les amants
Qui dés la nuit tombée additionnaient leurs rêves.
La lune s’est nimbée dans un halo laiteux
Eclairant faiblement le décor hivernal
Engourdi par le froid dans le désert neigeux
Rappelant tristement le silence glacial
Quand de ce blanc linceul une clameur s’élève.
Des hommes esseulés ont perdu leur chemin
Et sombrent lentement vers un nouveau destin
Dans un monde cruel aux gestes inhumains
Souhaitant pour demain un avenir certain
Quand les espoirs déçus se chargeront du glaive.
Dilemme
Du brouhaha d’antan les cris se sont éteints
Enveloppant le soir d’un voile silencieux
Laissant le noir sentier aux contours audacieux
S’enfoncer dans la nuit où veillent les lutins.
Jadis terre d’espoir le fief du Rullagol
Doucement se détruit n’offrant plus aux gamins
Attachés au terroir le choix de leur destin
Malgré leur pur désir de vivre de leur sol.
Etranger je le fus, me mêlant insouciant
A ce bouillonnement agitant la contrée
Dont la vitalité semblait inaltérée
Donnant et recevant des conseils conciliants.
Le cœur du Ségala à perdu ses attraits
Sous les coups répétés des rudes paysans
Cassant les traditions sous leur travail pesant
Faisant fi des valeurs et de leur intérêt.
Le temps s’est écoulé déployant les regrets
Du passé surprenant au présent incertain
Qui me laisse revoir dans la glace sans tain
Le chemin parcouru qu’on efface d’un trait.
″ Et je m’en vais au vent mauvais qui m’emporte de ça de là pareil à la feuille morte.″ (Verlaine)
NOSTALGIE
La nostalgie du soir qui envahit mon âme
Dés les premiers frimas d’une veillée d’automne
Fait frissonner mon corps sous le vent qui bougonne
Tandis que le soleil à l’horizon s’enflamme.
Mon sang pur et glacé bouillonnant dans mes veines
Transporte dans ses flots les déprimantes peines
Aux obscures impressions intimement mêlées
D’une mélancolie emplie d’ombres endeuillées.
Des souvenirs récents aux images vivaces
Reviennent harceler mes craintes épuisées
En cette période où le bonheur fugace
S’enfuit tout affolé par ces visions brisées.
C’était au crépuscule d’une journée blafarde,
Arrivant de voyage dans un train qui s’attarde
J’étais loin de douter que rodait la camarde
Dans le hall de la gare a la lueur criarde.
Dans un grand lit aux draps d’une froide pâleur
Un corps immobile dans sa triste raideur,
Espérant je ne sais quelle douce chaleur
Pour retrouver la vie et toute son ardeur,
M’attendait livide
Dans sa pose rigide
Au dur rictus figé.
Me laissant affligé
Devant la mort affreuse,
Impatiente et hideuse,
Qui flottait en alerte
Dans la pièce déserte.
Ma Mère était là doucement endormie par un soir de novembre ! ...

TREIZE VENTS
Le chemin défoncé par l’orage du soir
S’enfonce sinueux vers d’autres horizons
Où se mêlent déjà nos tristes désespoirs
Repliés dans leurs rêves et leur douce prison.
Les ceps noueux et noirs tendent leurs bras fourchus
Immobiles témoins d’un passé révolu
Inexorablement de leurs élans déchus
Quand le soleil rougeoie au dessus du talus.
Les sentiers détournés ne résonneront plus
De ces rires d’enfants partageant les repas
Autour d’un feu de bois aux cendres disparues
Donnant aux souvenirs la vision du trépas.
Mon esprit insoumis a négligé le temps
Où la moite torpeur nous berçait d’illusions
Dans le berceau frondeur aux augures latents
Prometteurs inouïs d’inutiles pulsions.
OREMUS
Dans le tourment du soir les rêves prennent vie
Alors que l’inconscient absorbe le réel
Dans la douce folie de mon espoir ravi
Effaçant tristement cet effroi éternel.
Le temps a façonné les chemins de l’ennui
Tracés par le hasard et les amours déçus
Menant je ne sais où quand s’éclaire la nuit
De ces mille lueurs au loin entraperçues.
Puis quand l’esprit s’enfuit balloté par les vents
Dessinant dans le noir de vivants feux follets
Les sentiments amers des orémus fervents
Flottent insensibles aux chants des Récollets
Qui s’élèvent ardents exaltés par la foi
Du haut de ce beffroi vestige d’autrefois
Rappelant son passé quand priaient les convers
Comme une presqu’île dans son océan vert.
MAGIE
La neige doucement a recouvert les toits
Les vallons et les bois endormis dans le froid
Marquant nos pas légers sur le chemin de croix
D’où s’envolent au vent nos tristes désarrois.
L’immaculé linceul étire sa fraîcheur
Transformant en tapis la campagne gelée
Silencieuse et glacée dans sa pure blancheur
Attendant dans le soir les souvenirs mêlés.
Dans le coin du salon les tisons rougissants
Font danser les lueurs vacillant dans la nuit
Caressant doucement les bois incandescents
Qui dans l’âtre noirci animent mon ennui.
Mes rêves insoumis bercés par le destin
S’éloignent irréels de nos amours éteints.
MON PERE
Sur la plaque chauffée fumait le fort piment
Diffusant un brouillard aux parfums pernicieux
Quand maître de céans absorbé silencieux
Préparait son repas aux curieux aliments
Mêlant au pain grillé copieusement aillé
Recouvert onctueux d’huile picholine
Une queue de morue dépendue du pailler
Frétillant sous le feu dans sa sueur saline.
Son festin terminé et dés potron-minet
La pipe allumée et le sac sur le dos
Il partait tranquillet coiffé de son béret
Vers les chantiers lointains sans un jour de repos
Avançant à pas lents et ses grands yeux baissés
Traînant son corps meurtri aux douleurs indomptées
Vers ces ouvrages d’art sur la route dressés
Sous la pluie et le vent qu’il fallait affronter.
Aux souvenirs enfuis des années disparues
Les rires d’autrefois en rêves ranimés
soulignent fantastiques les saisons parcourues
Les images voilées des visages aimés.
Un sourire figé flottant dans l’irréel
Mêle à ce présent l’halo surnaturel
Tel un songe brisé l’émouvant paternel
Fait surgir de la nuit son salut éternel.
17/02/13
ENTRE LES PONTS
Un havre de douceur…entre les ponts palpite…
Des voussoirs de pierre accrochés aux rochers
Surplombent le ravin aux falaises brûlées
Entrouvrant la vision sur le lointain clocher
Dont le dôme rouillé domine les vallées.
Le soleil qui rougeoie éclaire l’horizon
Laissant les monts voisins s’enfoncer dans la nuit
Dans un rêve profond de douce exhalaison
De ce nectar divin qui sortira du fruit.
Une oasis de feu entre mer et maquis
Bercée des rêves fous de l’aride piémont
Où Bacchus enflammé huma les vins exquis
Léguant à ce terroir les vieux ceps d’aramon.
Dans les chais impatients aux sanglots généreux
Quand la boisson ambrée rayonne de couleurs
Le bonheur se répand puissant et savoureux
Dans les palais flattés par le parfum des fleurs.
Entre les ponts frémit le chant des vents brûlants
Caressant amoureux cette terre ravie
Qui nourrit le raisin dont les grains opulents
Donneront dés demain un élixir de vie.
Jover Jean Marcel
-14/04/2017-
HIBERNATION
La triste nuit d’hiver réveille mes tourments
Qui se mêlent troublés à mes rêves d’antan
Ballotés ça et là dans le doux firmament
Où danse endiablé un ange hésitant.
J’ai traversé la vie chargée de rêves noirs
Chevauchant les effrois aux multiples frayeurs
Dans un galop bruyant menant à l’avaloir
Où les corps calcinés recherchent leur ailleurs.
Mais le printemps divin dans sa douce chaleur
A réchauffé mon cœur de sa fièvre sucrée
M’entraînant bienheureux vers un monde meilleur
Dans l’explosion d’adieux à l’étrange pâleur.
Puis dans la sombre nuit quand le soleil rougeoie
La campagne enflammée tressaute de plaisir
Et je ferme les yeux en libérant la joie
Qui dans ce corps jaillit l’inondant de désir.
ERUPTION ET ESPOIR
Le volcan s’est éteint sous les cendres noircies
Des souvenirs amers aujourd’hui effacés
Lentement absorbés par la lave durcie
De ce temps fugitif aux sentiments glacés.
Le cratère profond plonge dans le néant
Où volètent parfois des lueurs orangées
Eclairant sobrement le large trou béant
Abri de nos amours aux rêveries figées.
La bruyante explosion délivre dans le ciel
Des arabesques d’or aux signes sibyllins
Qui s’envolent légers au vent immatériel
Dessinant sur les flots des remous cristallins
Puis dans le silence d’une nuit apaisée
Peuplée d’espoirs déçus et de folles envies
Les cris des souffreteux ployant terrorisés
Sous le poids du fardeau dans leur étrange vie.
PRIERES
Assis sur son rocher l’anachorète prie
Les yeux fixant le ciel peuplé d’astres lointains
Laissant vagabonder son invisible esprit
Cherchant dans l’infini un espoir incertain.
Les nuages laiteux chevauchent l’univers
Au gré du vent marin qui chante mélodieux
Emportant prestement les psaumes des convers
Qui dans la nuit glacée s’élèvent vers leur Dieu.
Les étoiles s’enfuient zébrant les nues d’été
De traînées enflammées embrasant l’horizon
Sidéral et profond d’un monde hébété
En proie à ces tourments quand se perd la raison.
Le dilemme remplit ses pensées éthérées
Virevoltant léger dans la brise du soir
Attendant patiemment le réveil espéré
De l’âme endormie avide de savoir.
DETRESSE
Dans le ciel constellé où dansent des novas
Mon esprit se dilue absorbé par la nuit
Laissant mes rêves fous approcher Jéhovah
Sauvant l’humanité de ses sombres ennuis.
Jadis vivant ma vie j’ai franchi ce chemin
Empli de songes creux et de sanglots amers
Coulant le long des joues aux vifs reflets carmin
Epuisant chaque jour mes espoirs incertains
Les ans se sont enfuis emportés par le temps
Qui creuse lentement les sillons sur mon front
Assombrissant fielleux de fragiles instants
Aux âcres souvenirs de multiples affronts.
Les chagrins et les joies à jamais engloutis
Dans le froid permafrost où mes tourments secrets
Flottent évanescents dans mon cœur engourdi
Emportant silencieux mes éternels regrets.
10/06/20
ARRIERE SAISON
Les couleurs d’automne recouvrent la forêt
Mêlant au blanc bouleau les taillis effeuillés,
Le chêne élancé entouré de genêt
Le châtaignier noueux, le hêtre dépouillé.
Le vent d’autan gémit emportant les odeurs
D’une saison qui meurt dans un râle voilé
Prélude à ces frimas d’un hiver plein d’ardeur
Qui demain sera là avide et désolé.
Les feuilles colorées palpitent dans le soir
Dénudant les ramées, hirsutes, échevelées
Implorant le soleil pour un signe d’espoir
Tendant leurs bras fourchus aux tiges emmêlées.
Le silence ouaté s’étendra lentement
Pour ces longs mois glacials d’une molle torpeur
Attendant patiemment le retour du printemps
Cet éveil à la vie mettant fin à nos peurs.
LES MUTINS
Mon drapeau est en berne au fronton de ma peine
Quand le ciel est en deuil d’astres auréolé
Sanglotant malheureux des perles de rosée
Irriguant de bienfaits la terre nourricière.
Le vent violent s’éveille répandant son haleine
Sur les près engourdis cernés de barbelé,
Sur les bois et les monts à la pierre posée
Dont le fier monolithe trône dans la bruyère.
Quand le brouillard épais défiant ma déveine
Recouvre attristé le noir vallon voilé
Je retrouve amer mon âme névrosée
Découvrant dans la nuit la sente familière.
Les chouettes hulottes hululent avec haine
Leurs yeux ronds grands ouverts sur le clos désolé
Cherchant pour s’envoler le rongeur épuisé
Dans un bruissement d’ailes secouant la clairière.
La tranchée sinueuse puant l’âpre gangrène
A digéré les corps à jamais emmêlés
Rougissant cette fange d’une tache étoilée
Trace indélébile d’une ultime prière.
Et la rangée de croix hâtivement taillée
Révèle au passant l’aventure funèbre
De ces jeunes soldats et de leur capitaine
Qui dans ce coin de France un jour s’en sont allés …
Tremblants, hagards dans leurs vêtements amples
Les yeux las bandés, fusillés pour l’exemple
L’ORIGINE DU MONDE
Impudique tableau trop longtemps méprisé
Les pinceaux de Courbet de son art maîtrisés
Ont croqué finement les galbes exposés
De l’objet de désir par les sens attisé.
Dans sa folle noirceur plaisir périnéal
Frémissant de bonheur dans un râle animal
Ma muse est enivrée par le parfum qu’exhale
Transpirant de douceur cette toison fatale.
Mystère de la vie dévoilant son berceau
Suintant affolée en violents soubresauts
Quand les corps arc boutés subissent les assauts
D’un désir déchaîné dans d’avides sursauts.
Et dans le rêve fou du plaisir partagé
Un sensuel élan promptement propagé
Se répand puis embrase la pudeur outragée
Pour assouvir enfin la flamme soulagée.
CARCINOME
Quand l’aube nouvelle perce la pâle nuit
Je cède au néant mes rêves vaporeux
Et perçois, angoissé, ces morbides ennuis
Qui barrent l’horizon d’un destin suspicieux.
Dans cet amas de chair le mal s’est immiscé
Inexorablement, insidieux, silencieux
Il répand le poison aux glandes agressées,
Traumatisant le corps, violent et pernicieux.
Au-delà des tensions, des angoisses subies
Quand la féminité fébrilement frappée
Se révolte accablée, les armes sont fourbies
Pour sortir de l’enfer du péril réchappée.
L’inquiétude chassée l’espoir est revenu
Et sous un ciel radieux la vie reprend son cours
S’engageant à nouveau sur ces voies inconnues
Décomptant chaque instant d’un destin à rebours.
« La plus grande gloire n'est pas de ne jamais tomber, mais de se relever à chaque chute. »
Confucius
JMJ - 06/09/14
LES MIGRANTS
Dis-moi “calabaza” et je te chanterai
Ces doux vers d’Azorin enfouis à jamais
Au fond de ma mémoire et que je déclamais
Garnement enflammé d’un modeste immigré.
Sublime Monovar aux rues pavées d’histoire
Patrie du poète et terre du passé
Où le temps incertain a soudain effacé
Les ultimes regrets d’un exil probatoire.
Les larmes ont coulé de leurs yeux fatigués
Creusant sur les faciès les sillons de la peur
Le jour de ce départ à l’odieuse douleur
Vers des lieux inconnus au diable relégués.
Ils ont quitté leur bien serrant fort leur ballot
Pour vivre miséreux mille précarités
Armés de volonté et d’un peu de culot,
Traînant comme un boulet leur triste pauvreté,
Quand la misère amère
Dégénère en colère
La révolte qui gronde
Bouleverse le monde…
LE SENTIER
Il parcourt la vallée, remonte le ruisseau,
Repart en serpentant vers l’aride plateau
Où se dresse immobile la tour du vieux château,
Contourne le village franchissant le ponceau
Aux pierres érodées couvertes d’arbrisseaux,
Dévoilant sur ses flancs de magnifiques arceaux.
Dans la mare verdâtre se courbent les roseaux
S’ébattent les cols-verts et nichent les oiseaux.
Un village engourdi montre son vieux clocher
Et son église vide accrochée au rocher.
Dans les prés escarpés au milieu d’un rucher
Quelques bottes de foin finissent de sécher
Pour rejoindre l’étable où vaque le vacher
Et remplir la mangeoire du haut de son plancher.
Dans le ru ondoyant des truites de lâcher
Donnent à l’allochtone le désir de pêcher.
Paysages sauvages parfums embaumés,
Noires forêts éparses aux arbres déplumés,
Gris tumulus pierreux dans les champs parsemés,
Morne glèbes étendues aux longs sillons semés,
Haies épineuses et vives aux rameaux clairsemés
Se donnent en spectacle et nous laissent charmés.
Et pour me ressourcer dans ces décors aimés
Je rêve de ces lieux trop souvent embrumés.
